samedi 27 novembre 2021

BioRadioSpective - Episode 2

 

The Bends (Mars 1995)

 

N’y allons pas par quatre chemins : the Bends est un des rares albums que je n’hésiterai pas à qualifier de parfait. Cela en fait-il le meilleur album du groupe ? Non. Et si c’est ce genre de phrase qui fait que ma femme me traite de snob, cela n’en reste pas moins vrai.

Qu’entends-je par album parfait ? J’entends par là que toutes les chansons de l’album sont a minima bonnes (même si en fait on va souvent taquiner au sublime). Donc que je n’ai envoie d’en sauter aucune quand je l’écoute. A cela s’ajoutent le fait que les morceaux d’ouverture et de fermeture sont parfaits (en tant que tels et à leur place dans l’album, c’est toujours important), que les singles (nombreux) sont tous bons mais n’enfoncent pas le reste de l’album au point de ressortir comme singles évidents : Un (nice dream) n’a rien à envier à un High & Dry, un Bones, rien à envier à un The Bends ou un Just  Pour vous donner un autre exemple d’album parfait : Ziggy Stardust. Pour vous dire à quel point ce n’est pas commun : aucun album des Beatles n’est un album parfait1.

 

Je ne saurais dire précisément quand j’ai découvert cet album, mais je sais qu’à un moment (en première ou terminale, donc vers 2001-2002) on m’a gravé Pablo Honey (ça m’a changé de ma cassette) et The Bends. J’en connaissais déjà un extrait (outre le My Iron lung évoqué la dernière fois, même s’il me passait un peu au-dessus du crane au milieu de ce EP maison du marasme), en l’occurrence Fake Plastic Trees, dont j’avais entendu une version live sur un concert / Compilation pour le Tibet libre emprunté à la médiathèque (disque qui me fera aussi découvrir le Beetlebum de blur et Rancid et me rend donc la datation du concert difficile) (Je viens de chercher et c’est 1997, c’est le « Tibetan freedom concert ». Rétrospectivement le line up est dingue maintenant que je connais les noms dessus)

 

Bref, The Bends est vite devenu un classique ultime de ma vie en tant que … disque que j’arrive à ne pas écouter. Comprendre par là que c’est un disque que j’ai fait tourner un nombre incalculable de fois, en fond, pendant que je lisais sur mon lit en rentrant le soir, ne prêtant donc qu’une attention toute volatile au disque lui-même. Enfin, jusqu’au titre 8, parce que l’explosion de My Iron Lung m’a toujours sorti du truc. Et rarement au-delà du titre 10, parce que, hasards de la vie, c’était toujours entre les titres 9 et 10 qu’on m’appelait pour aller à table.




En conséquence c’est probablement un des disques dont je regrette le plus d’avoir fini par comprendre les paroles (et je serais bien en peine de vous dire aujourd’hui si je les ai lues ou si j’ai fini par les comprendre. Probablement un peu des deux, au final : lu celles des titres que j’ai voulu apprendre à la guitare – le solo de High & Dry est un des premiers trucs que j’ai réussi à faire sortir d’une gratte qui ressemblait à ce que je voulais faire- oui il se joue sur genre 3 notes mais on peut pas tous être fans de Nirvana) parce qu’au final il a perdu cette fonctionnalité et très peu de disques (voire aucun) depuis ont jamais réussi à la remplir (Marquee Moon. Peut-être.)

Et paradoxalement, c’est aujourd’hui devenu un disque que, quand je l’écoute… je l’écoute. Totalement. Si je le mets en fond pendant que je fais autre chose vous pouvez être sur que je vais pas le faire vite et surtout je vais m’interrompre un tas de fois. Et en l’écoutant, ce qui me fascine c’est que… ce disque ne devrait pas fonctionner. Pourtant (miracle du mixage et de la production ?) tous ces titres disparates, dont pas deux ne s’enchainent en se ressemblant, parviennent a former un tout, cohérent, et surtout splendide. Avec des hauts très hauts et des bas pas très bas (comme souvent avec Radiohead je serais bien en peine de dénigrer un titre, il y a vraiment une notion de « ok, c’est juste pas pour moi »). L’autre point me fascinant (qu’on va retrouver plus d’une fois dans cette série) c’est la capacité de Radiohead d’avoir 10 ans d’avance… pas musicalement mais thématiquement. J’ai failli faire une blague sur le fait que The Bends est l’album marxiste de Radiohead, mais dans les faits, c’est l’album d’un groupe qui prend conscience qu’il a réalisé un exploit (Creep) que certains groupes ne parviendront jamais à recréer et dont le label, sans aucune considération artistique, demande juste de le refaire.


Les gens croient que je mets des lunettes de soleil parce que je me prends pour une rockstar mais en fait c'est juste que je fais des migraines ophtalmiques

Réalisant qu’il n’est qu’une commodité comme une autre, juste plus difficile à produire à la chaîne, Thom Yorke décide d’en faire une ballade désespérée sur la surconsommation de « merdes en plastique made in china » (parmi lesquelles il voit son art inclus) comme distraction face à la vacuité de l’existence.2 Ce morceau est aussi une des plus belles démonstrations de la nouvelle arme que le groupe vient de réaliser qu’il a : 3 guitares. Enfin, surtout que quitte a avoir 3 guitaristes autant qu’ils jouent des trucs différents plutôt que de tous trois jouer le même truc histoire de sonner fort. Et sur ce morceau, le déploiement stratégique de l’acoustique, d’une électrique jouant des accords avec un peu de distorsion et d’un électrique claire pour le solo est tout simplement terrassante.

J’ai dit il y a deux articles que malgré tout, Creep est une bonne chanson, émouvante et tout, mais soyons honnêtes, si elle passe en soirée, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. Si Fake Plastic Trees passe, on est pas 2 accords dedans que je cherche déjà où aller me cacher pour chialer tout ce que j’ai, entendons nous bien. Et c’est même pas ma chanson préférée de l’album ! Pourtant, c’est une de ces chansons qui, quand je les entends, me plonge dans des abîmes de reconnaissance face au fait d’être né à un moment ou cette chanson existe (et de pas, genre, être mort en 1993 – je suis sur que j’aurais eu une vie intéressante hein, j’aurais connu les 30 glorieuses et tout, mais pas Fake Plastic Trees et du coup ça aurait été un peu moins bien quand même. Moi j’ai Fake Plastic Trees ET Dear Prudence (et plein d’autres mais c’est tout ce qui me vient dans cette catégorie) je suis bien, même si confronté aux abysses existentielles du réchauffement climatique et condamné à redéfinir mon propre rapport à la société de consommation, entre autres via l’écoute répétée de cette belle et douloureuse chanson.

(Mais sinon ça va)

De tous les premiers albums de Radiohead, qui ont cet effet « ouah la face A est ouf mais la face B c’est pas ça », il faut aussi avouer que The Bends est celui qui maintient l’illusion le plus longtemps. Ce n’est que la soudaine coupure de Bulletproof (I wish I was) après l’excitation de la fin de My Iron Lung (je vous ai parlé de My Iron Lung ?) qui, certes, offre une respiration bienvenue après deux titres qui décidément en envoient sévère, mais peut être une trop large respiration qui casse un peu les pattes (et dont pâtissent, à mon avis, les deux titres suivants, très « classiques » dans la forme, mais néanmoins très efficaces – Sulk en particulier, pourrait échanger sa place avec (nice dream) sans que la face A ne perde de sa splendeur.

 


Face au « toujours difficile second album » les groupes ont de nos jours plusieurs choix : continuer dans la veine du précédent, sortir les morceaux qu’on n’avait pas jugés assez bien pour le premier, ou se réinventer. J’ai longtemps préféré les 3emes albums (les fameux albums dits « de la maturité ») de mes groupes préférés, mais en vieillissant, je me suis souvent tourné plus précisément vers les premiers, mais surtout les seconds albums (a ma grande surprise, l’album des Smashing Pumpkins que j’écoute le plus régulièrement est Siamese Dream par exemple). Parce que ce qu’un groupe dit et fait dans son second album est généralement bien plus une déclaration d’intention que ce qu’était son premier ou sera son troisième. Avec The Bends, Radiohead devient un groupe auto conscient, instatisfait et volontairement contre productif, décidé à pousser la corde pour voire quand elle casse. En ce sens, ce n’est pas tant My Iron Lung (qui est au final un morceau post-grunge, mais anglais), ou The Bends (qui bien que rayonnant de « Oh mon Dieu j’ai tout ce que tout le monde voudrait mais franchement c’est pas fait pour moi » est au final « juste une très brillante pop song »), que Just qui illumine l’album de sa présence défiante. Un morceau comme celui-ci ne devrait probablement pas exister et surtout ne devrait pas être aussi bon.

Avec les années mon point focale sur ces albums a évolué et mon morceau préféré n’a cessé de migrer de la plage 4 à la 8 à la 12… Finalement la 7, juste après la moitié de l’album, est l’apex, le climax d’un album qui n’a fait que tendre vers cet apogée et ne fera qu’en redescendre derrière. Vrombissant, virevoltant (le jeu de guitare n’est pas sans rappeler au fan en moi le « Bodies » des Smashing Pumpkins, cette sorte de spirale / ZigZag de torrents de bruit) et décidant de ne jamais rester le même,  changeant le morceau dès qu’on pourrait s’y sentir à l’aise plus de deux secondes, c’est là que Radiohead montre son génie, sa volonté et surtout son crédo : on peu être tout à la fois pop et prog, on peut être intelligent sans être chiant, on peut divertir et faire réfléchir.

C’est quand on utilise Radiohead comme exemple (ou les Beatles) qu’on est le plus à même de me happer dans des explication relous de musicologie. Et ils auront beau engager le même producteur ou pomper Chopin à la source, c’est pas Muse qui saurait en dire autant.

 

Il est peut-être moins « important » que Nevermind ou même son propre successeur, il n’en reste que The Bends est le plus grand, le plus beau, le plus parfait des albums des années 1990 (Mais pas le meilleur).

 


Plus mauvais titre: Bulletproof (I wish I was) . Je vais pas me faire que des amis mais c'est mon opinion.

Meilleur titre pas sorti en single : Ils sont quasiment tous sortis en singles! Au final, je dirais Bones, probablement un peu sous estimé car trop similaire à The Bends

Meilleure face B de single de la période : Talk Show Host, no contest. J'adore Killer Cars également, je trouve que c'est un morceau qui mériterait mille fois plus d'exposition, mais Talk Show Host, est un tel chef d'oeuvre. Je reste convaincu que son absence de tout album est juste liée au fait de garder un "inédit" pour la B.O. de Roméo + Juliette.

Leçon de vie cachée dans les paroles: I wanna live / Breathe / I wanna be a part of the human race.  N'importe quel autre groupe chantant ça ce serait des pleurnichards. Ici c'est juste une requête légitime.

 

 

1 Et avant que les mauvaises langues ne se délient et parlent à tort de jardins de pieuvres, disons-le : c’est souvent la faute de George et du sous-continent indien.

2 D’où la présence évidente du morceau sur la B.O. du film Clueless (qui est un film plus malin qu’on le croit)

lundi 22 novembre 2021

BioRadioSpective - Interlude (?) 1

My Iron Lung EP - Septembre 1994 


Si j’ai hésité à parler de celui là, je finis par le faire pour deux raisons. La première, c’est que mon lecteur (on va pas déconner, à ce stade, on sait tous les deux que j’écris surtout pour toi), m’a dit qu’il fallait le faire. Mais en même temps il devait encore s’attendre à une analyse objective de la discographie du groupe, pas cette autodiscobiographie bordélique parce qu’essayent de faire se croiser deux timelines qui ne vont pas ensemble (la mienne et celle du groupe). La seconde c’est que je suis retombé dans ma discothèque sur mon My Iron Lung.

 

Parce que oui. Il y a My Iron Lung, et il y a mon My Iron Lung.

 

Novembre 2001. Les vacances sont en train de s’achever, et nous préparons nos valises pour repartir. Ma sœur, qui reste un peu plus longtemps, arrive avec son copain (qui deviendra plus tard mon beau-frère) dans la cuisine de la maison familiale et me tend un paquet presque cubique, mais qui parait instable sous son papier cadeau. En l’ouvrant j’y découvre 6 CDs gravés, dans leurs boitiers slims, avec les impressions de compte rendu Nero Burning Rom en guise de tracklisting. C’est bête à dire, mais à ce jour encore c’est peut-être (sans qu’elle n’en ait jamais eu conscience ni à l’époque ni aujourd’hui), la cadeau le plus attentionné qu’elle m’ait jamais offert. Le temps passé à télécharger les morceaux, à les graver…

Parce que quand on y pense, c’est fou, on parle de la fin 2001 : ça a été téléchargé sur eMule parce que même si un pote de mon futur beau-frère les avait sur son PC… les clés USB ne sont pas encore vraiment là, les disques durs externes encore moins. Pourtant moins de 6 ans après, en une soirée je téléchargeais In Rainbows pour le mettre sur mon iPod depuis le PC de la copine d’un pote. Ça me flingue.

 Aujourd’hui, je ne saurais me rappeler parfaitement du contenu de ces 6 CDs. Je sais que l’un d’entre eux était une compilation de « classiques » de qualité, et que deux n’étaient composés que de morceaux de Radiohead que je ne connaissais pas encore1, et que chaque compilation avait un « titre » associé : l’une était Pop is Dead. L’autre était My Iron Lung.

Mon My Iron Lung… Je l’ai encore. Jetons un œil au tracklisting.

 
(Les fautes "de frappe" sont d'origine du fichier Nero que j'ai recopié)

 

 Comme vous pouvez le voir… Mon My Iron Lung est plus long, plus touffu, et My Iron Lung y est en fait tout planqué au milieu de tout ce beau monde, dont une bonne partie est composée de faces B de singles tirés d'OK Computer (un peu comme s'il s'était accouplé avec l'EP Airbag / How am I driving? mais SANS Airbag.) Et je le rappelle on est en 2001, donc je n’ai pas forcément d’outil à disposition pour tracer la véritable origine de chacun des morceaux. Ou même juste pour comprendre, outre le tracklisting, ce qu’est My Iron Lung dans la discographie du groupe2… je savais même pas ce qu’était un EP, hein.

 

Et quand l’ai-je finalement acheté « en vrai », l’ayant trouvé d’occasion et découvrant par la même la réalité de cet EP ? 2010, peut-être ?

Bref j’ai longtemps vécu dans un monde imaginaire où cet EP était un véritable album, mal ordonné, plein de bonne idées mais dépourvu de cohérence, avec ses moments de beauté, mais décidément difficile à suivre. Donc je comprends ce que ne soit pas considéré comme un album. En plus ils sont con la meilleure chanson est en avant-dernier. (Mes gouts ont changé depuis) (Par contre j'adore l'ironie qu'il y a à ce que My Iron Lung y a sa place de The Bends, en 8)

 


Mais l’idée n’est pas forcément de parler d’un disque qui n’existe pas vraiment, parlons du vrai. Du 8 titres. Dont on va exclure tout de suite le dernier parce qu’on s’en fout et parce que son absence dans la version de l’EP mise en ligne par le groupe lui-même confirme à mes yeux ce dont on se douterait tous : cette version acoustique de Creep a très certainement été imposée par la maison de disques. Il est tellement antinomique que ce disque commençant par le groupe reniant ce morceau 3 finisse par une version alternative du morceau incriminé.

 

Bon, comme à l’habitude, le disque se coupe malgré lui en deux : la face A est top, la face B on s’en fout un peu, mais c’est aussi probablement parce qu’elle est un peu plus molle du cul et… Bon, il faut aussi le citer, ce disque c’est la première rencontre avec Nigel Godrich, qui pour l’instant n’est qu’ingénieur du son sur…  justement, les 4 premiers titres. Coïncidence ? Peut-être.

Coupé en deux, le disque l’est aussi dans sa musique : écartelé entre deux albums sur lesquels ils ne figurent aps, on serait bien en peine de dire quel titre devrait aller où. Le groupe tente des trucs, tout ne passe pas, rien n’est vraiment mauvais, mais à part le morceau éponyme, peu de choses ressortent. Et surtout : le son passe son temps à changer. Chaque morceau semble offrir une facette différente, une tentative différente, tour à tour classique rock, shoegaze, voire orientalisant (Lozenge of Love dont la mélodie rappelle les chansons signées George Harrison qu’on saute). On va pas non plus se voiler la face, mes titres préférés sont ceux qui sonnent le plus comme l’album à venir, ou du moins qui sonnent comme des trucs que j’aime (Permanent Daylight cette sorte de reprise de Sonic Youth par REM, je m’en passe.). Je pense que plus jamais dans sa carrière le groupe ne sonnera aussi purement « méchant » que sur The Trickster (pas agressif, juste méchant), et soyons simple : le fait que cet EP soit si bon, mais aussi qu’il ait été quasi-intégralement écarté de l’album à venir (alors qu’on aurait pu le garder comme matériel à faces B) et ce, sans AUCUN regret du groupe comme des fans (parce qu’on y viendra, mais je serais bien en peine de fourrer un titre de cet EP autre que le morceau titre au sein de The Bends sans avoir l’impression de tenter une fission nucléaire), ça reste un tour de force.

L’EP est intéressant, et le groupe avait probablement besoin de réinventer sa réinvention si j’ose dire, de la mettre en scène, avant d’en offrir la plus belle expression. Aussi c’est le moment ou le groupe atteint presque sa forme finale : Ce combo Radiohead/ Godrich / Donwood (le graphiste qui accompagne le groupe depuis maintenant plus de 25 ans !) sont là. Et si les chutes de l’album étant de cette qualité… Vous vous doutez que The Bends a de la gueule.




 

Pas de sélection particulière de titre parce que ce serait dure d’appliquer les catégories à cet EP. Aussi je parlerais plus longuement la prochaine fois de My Iron Lung, la chanson. En même temps qu'on commencera à basculer en plein doute métaphysique

 

  

1 Et un de ces morceaux, censé être une reprise de Deftones par Radiohead n’était en fait qu’une version acoustique de Be quiet & drive, mais bel et bien par Deftones quand même.

 2 La place de My Iron Lung dans la disco du groupe je l’apprendrais dans la rétrospective / biographie du groupe dans Rock Mag une paire d’années après. Autre temps, autres moeurs

 3 Je pars de l’idée que les gens connaissent My Iron Lung, mais si tu es un jeune lecteur égaré qui ne sait pas cela, d’abord, bienvenue, installe-toi confortablement et merci du temps que tu m’accordes, mais aussi :  la chanson My Iron Lung passe une partie de ses paroles à cracher sur le morceau Creep ou tout du moins le succès difficile à vivre qu’il a apporté au groupe et qui fait que la maison de disque leur demande de rééditer cet exploit avec ce nouveau single (non je ne dirais pas les paroles. Les citer dans un article parlant du morceau est aussi cliché que Radiohead rencontrant encore plus de succès avec un album qui explique qu’ils vivent mal le succès.)

vendredi 12 novembre 2021

BioRadioSpective - Introduction et Episode 1

 

De tous les groupes que j’ai aimés quand j’étais ado, il en est un qui a un statut unique : je n’ai jamais vraiment réussi à en faire mon deuil.

Malgré un sursaut en 2007 j’ai fini par comprendre que les nouveaux Smashing Pumpkins ne seraient jamais à la hauteur des originaux. Je me suis purement et simplement fâché avec Muse (en 2009) et Placebo (dès 2006). Oasis n’existe plus. Si l’on creuse vraiment les anfractuosités de ma jeunesse… Nada Surf est anecdotique aujourd’hui. Slipknot, Korn, ne sont que de pales copies de leur folles origines, mais je ne leur souhaite aucun mal.

Mais Radiohead… Il y a une coïncidence qui restera pour toujours : en 2000 j’ai eu 15 ans un mois (à peu près) après la sortie de Kid A. Et à mon anniversaire on m’a offert OK Computer. Que j’avais déjà en cassette mais ça on y reviendra. Mais c’est comme si ce groupe avait toujours été là, présence discrète pour ne pas dire fantomatique, mais présence quand même. 20 ans. Vingt et un, même. Mon goût pour Radiohead peut aller au bistro aux Etats-Unis.

En 2003 j’achetais Hail to the Thief le jour même de sa sortie et l’écoutai religieusement, collé à la mini-chaîne, dès mon retour. Aujourd’hui, je crois ne toujours pas avoir réussi à finir une écoute entière de  A moon shaped pool … et pourtant je continuerai probablement longtemps à lister le groupe parmi mes préférés, quand bien même il n’a pas sorti un album me convaincant ces dix dernières années (en même temps ils en ont sorti qu’un). Que s’est-il passé ? Chaque fois que je pense au groupe c’est avec une tendresse infinie, et pourtant, on ne se cause plus.

Aujourd’hui, il est temps de revenir sur une relation certes houleuse, mais riche en émotions, et, qui sait ? de peut-être en tirer quelques enseignements.

  

1. Pablo Honey (Février 1993)

 

 

Quand je pense qu'il est des gens qui se moquent de la coupe de cheveux actuelle de Thom Yorke

Soyons honnêtes: il est peut-être là, en fait, l’album le plus clivant du groupe. Il y a généralement deux opinions qui s’opposent sur cet album. D’un côté les esthètes, cette bande de snobs, qui ne le considèrent digne d’aucun intérêt (ils ont déjà du mal à en trouver à The Bends). De l’autre les honnêtes gens, qui le voient comme un album de britpop honnête mais -évidement- encore loin des sommets à venir, voire peu marquant au milieu des albums de britpop qui pouvaient sortir à l’époque.

Et puis il y a moi. Même si vous avez déjà deviné où je me situe dans cette grille d’analyse, la vérité est que je ne saurais analyser cet album. Pour une raison très simple : cet album m’a (presque) tout appris. Lors de l’années scolaire 1999-2000 je faisais seulement mes premiers pas dans le grand défrichement de Rock des origines à nos jours, et je n’avais eu que quelques disques sous les oreilles quand celui-ci (enfin, non, quand le nom Radiohead) a croisé ma route. On m’avait copié sur cassette OK Computer et « celui où y a Creep ». Et au risque de déplaire à ma fanbase de bon gout, ce n’est pas le chef d’œuvre de 1997 qui a le plus retenu mon oreille à l’époque.

Je vais dire quelque chose qui semblera une évidence à toute personne de bon sens, mais qu’il me semble utile de poser ici : les clichés sont des clichés pour une bonne raison, à savoir qu’ils fonctionnent. Mais il est un autre point sur lequel je voudrais insister : un cliché n’en est pas un quand c’est la première fois qu’on y est confronté. Et c’est aussi cela qui me rend cet album si attachant. Creep est une bonne chanson, c’est un fait (si, si). Mais quand c’est la première chanson qu’on découvre avec ce passage d’un son clair pour le couplet à des torrents de distorsion pour le refrain… c’est transcendant. Je vieillis et donc les choses sont un peu floues, mais Pablo Honey est, j’en suis à peu près sûr, un des cinq premiers albums de rock à être entrés dans ma vie. Donc, plus encore que les « Ouah, on peut faire ça » que les grands (Beatles, Bowie, etc.) m’ont fait découvrir plus tard, Pablo Honey m’a permis de découvrir que ce qu’on y trouve existe en ce monde.

 


Et dans mes virginales oreilles, les envolées de Stop Whispering, l’alternance de structure couplets durs et lents / refrain pop plus rapide (très pixienne maintenant que je le sais mais je savais pas encore qui étaient les Pixies - j’avais même pas encore vu Fight Club) de Anyone can play guitar, le redémarrage et ce solo à la fin de I can’t - entendu depuis mille fois depuis dans des trucs faits avant, même l’ouverture claire de You avant de sortir du gros son, tout a laissé une trace.

Ici est née une sensibilité, une affinité même pour quelque chose que je ne connaissais pas, ou pas bien. Le rock devait être dur et colérique, voire rebelle (à qui, à quoi ? à 15 ans on ne s’embarrasse pas de la transitivité…) et idéalement que mes parents me demandent de baisser le son, mais je le découvrais ici émotif et émouvant, délicat… Je découvrais ma propre propension à la pop. Et mes parents me demandaient quand même de baisser le son ce qui ne gâchait rien.

 

Bon, il ne s’agit pas non plus d’absoudre l’album de ses défauts (qui n’en sont pas forcément) : sans la voix de Thom Yorke, Thinking about you est un morceau d’un affolante banalité. C’est aussi un album de Radiohead typique des premiers temps : à savoir un vinyle qui s’ignore. Je théoriserai sans doute plus longtemps sur les formes des albums de Radiohead un peu plus tard cependant : les trois premiers ont tous cette tendance à avoir une Face A moins cohérente que la B, mais aussi meilleure parce que contenant les meilleurs titres. Mais ici, avec le temps, je préfère de plus en plus la face B : Ripcord, Prove Yourself, ça reste bon, mais l’ensemble se mélange plus aisément en un fond homogène, surtout que d’un coup la constante de cette face c’est la batterie, qui claque vraiment bien sur cette album (probablement parce que, j’ai l’impression, Phil Selway y est incapable de taper sa caisse claire sans taper de cymbale en même temps). Sans compter une vibe « Scared to get happy », très indie pop anglaise 80’s, mais avec une volonté d’aller de l’avant, presque une joie de vivre, qui fait chaud au cœur.

 

S’il est probable que j’aie écouté cet album plus de fois dans les dernières semaines juste pour écrire ces lignes que je ne l’ai fait ces 10 dernières années, cela ne change rien : tout familier qu’il soit (chaque pont, chaque riff, chaque changement de rythme est gravé dans ma mémoire), ce qui me rend fatalement tendre à son égard, il reste un bon album qu’on considèrerait un pépite oubliée si ses auteurs n’avaient pas tout explosé derrière, et dont le principal défaut, peut-être, est de compiler les meilleurs titres écrits par un groupe qui existait déjà depuis 7 ans à la sortie de celui-ci, et qui a donc pioché dans bien des influences en chemin.

 

Plus mauvais titre: Thinking about you

Meilleur titre pas sorti en single : Ca se joue entre Ripcord et I can’t… Mais au final je dirais I can’t parce que je suis une petite chose sensible... et que j’aime bien les lignes de basse menaçantes avant que le groupe revienne

Meilleure face B de single de la période : Difficile de dire autre chose que « Inside my head ». C’est l’équivalent de découvrir les titres des années 80 de R.E.M. quand on ne connaît que leurs morceaux RTL2.

Leçon de vie cachée dans les paroles: Stop Whispering / Start shoooooooouuuuuoooouuting