jeudi 31 mars 2011

Musique, Critique, Fanatisme, Onanisme: une superproduction radioheadienne

Voilà. C’est à n’y point croire, mais à peine avais-je mis la clé de ce blog sous la porte que tout s’est enchaîné. Je serais un brin plus parano que je ne le suis déjà que je crierai au complot, au scandale ou que sais-je encore. Alors que « Le Rock critic est un con » devait s’offrir ce qui s’annonçait comme une pause saine et salutaire, tous les éléments se sont ligués pour m’offrir plus de grain à moudre en l’espace de deux mois que je n’aurais pu rêver en récupérer en un an.

Radiohead et PJ Harvey qui sortent de mauvais disques. Les symboles d’une génération qui s’effondrent : les artistes dont on pouvait se gargariser, dans les années 2000, de les suivre depuis 1995 sans essuyer de quolibets qui publient « enfin » leur disque de trop. Un tournant historique dans ma formation musicale, rien moins. Quand le monde s’effondre, les gens se révèlent tels qu’ils sont vraiment, c’est pourquoi lire toutes les critiques disponibles sur ces sujets a quelque chose de fascinant. Qui l’emportera de fanatisme ou du désaveu de ses amours ?

Ce qui m’a le plus marqué reste la réaction des non-fans de Radiohead. Déjà, la première révélation a été de découvrir leur existence, à ce groupuscule. Entendons – nous bien : je comprends qu’on puisse ne pas aimer Radiohead, qu’on puisse trouver ce groupe surestimé. J’ai moi-même de très bons amis qui n’aiment pas Radiohead. Mais qu’il y ait des gens qui haïssent suffisamment ce groupe pour se retrouver à exulter sur le ton du « j’avais bien raison » en découvrant la médiocrité de leur dernier album m’a proprement sidéré, au point de me faire me poser la question : Etais-je un prosélyte trop zélé de ce groupe, avais-je à ce point opprimé ces personnes avec mon goût pour ce groupe pour qu’elles donnent l’impression d’enfin découvrir la liberté d’expression quand sort ce mauvais album, pour qu’elles soient à ce point contre un groupe qui, ces dernières années, est resté parmi les plus discret qui soient, tout de même ?
 Car voyez-vous, prenons un exemple : je n’aime pas U2. Mais c’est parce que j’en ai marre des les entendre partout (RTL, NRJ, TF1, ONU…) à la sortie de chacun de leurs disques, le tout soutenu par une promo démentielle à laquelle il est impossible d’échapper. Mais je me sens libre de dire que c’est à chier, et pas que sous pseudo sur Internet, dans la vraie vie aussi, et en public, même ! Et je n’ai jamais pensé qu’il en était différemment du « quintette d’Oxford »1.

Bref. Je me demandais bien ce qui pouvait pousser à la haine de ce groupe. Et en lisant les critiques diverses et variées… j’ai réalisé à quel point ce n’est pas forcément le groupe qu’il faut détester, ou du moins mépriser tant que ses fans. Qui, explosion du Net oblige, compensent la promo agressive que le groupe ne juge pas utile de faire (c’est fou comme « geek » et « fan de Radiohead » ça va bien ensemble)

Il y a presque un an, j’évoquais avec vous à quel point la passion musicale ne trouve de salut aux yeux des autres que par la « noblesse » de son support. Il n’y a pas grande différence, dans les faits, entre un geek musical et un fan de jeux vidéos. Seulement, la musique est aux yeux de tous plus « noble » que les jeux vidéos, donc c’est moins inquiétant, voire sain que d’entretenir un passion sur ce sujet.

Adapté à la musique, on assiste ici au même paradoxe. Le fan crétin de Radiohead paraîtra toujours moins con, aux yeux du passant moyen, que le fan crétin de Christophe Maé. Mais ça reste tout de même un sacré crétin.
A lire toutes ces critiques décortiquant, analysant, retournant cet album sous tous les angles et coutures, alors qu’il est juste… ben pas génial quoi, j’ai eu l’impression, moi qui me suis désintéressé presque totalement de cet album à la troisième écoute (il fait un bon « fond » pour moi, pas beaucoup plus) d’être un scientologue repenti, un survivant de secte, désespéré de voir ses anciens camarades s’échiner à découvrir un sens, une mystérieuse signification kabbalistique dans un disque qui n’est jamais qu’un disque de pop décharnée habilement rempli d’injections d’électro2, en étant pas forcément choqué de payer 36 € pour un packaging super lourd d’un disque dont ils n’ont même pas entendu un seul titre !!

Et évidement des litres et des litres d’encre ont été déversés en vain sur les pages des blogs, les murs de Facebook est les vestes que la presse s’est empressée de retourner pour qu’on ne voie plus les taches, dans un angoissant gâchis, dans une folie d’onanisme papetier. C’est fou comme lorsqu’il s’agit d’encenser un album vide et décharné, désincarné, le critique ne tarit pas d’adjectif, de superlatifs, et fait de sa critique un summum de pompiérisme et de maniérisme qu’il ferait payer cher à n’importe lequel de ses équivalents musicaux. (Mais pour être totalement honnête, je dois avouer que oui, moi aussi il m’arrive d’ainsi virer dans la « critique prog », mais c’est légitime : on a toujours plus facilement les mots pour aller droit au but quand on n’aime pas. Quand on aime, on ne sait comment le formuler sans que ça sonne con, alors on tourne autour, on en rajoute… Voilà, les gentils hippies prog et les méchant punks, appliqués à la critique de disque.)
Ce n’est pas Christophe Maé qu’ »on déteste : c’est sa surexposition, et le fait que des gens essayent de nous persuader que c’est bien, « Parce que tout le monde le dit ». Autrement, on aurait juste un cordial mépris pour ce personnage

 De la même façon, ce n’est pas Radiohead qu’on déteste mais l’absurdité dont est capable de faire preuve son auditoire persuadé qu’il y a une raison profonde et réfléchie à ce que cet album ne soit pas très intéressant (parmi lesquelles : « c’est la première partie d’un diptyque », ou « c’est une métaphore de l’état actuel de l’industrie du disque » – que j’ai vraiment entendues.), parce que persuadé par son propre fanatisme (qu’ill n’avouera cependant jamais en tant que tel) qu’il y a forcément une raison profonde et réfléchie.


Pendant ce temps là, Thom Yorke doit bien se marrer, dans son bureau à jongler avec son chapeau melon.
En ce qui me concerne, j’aurais tendance à dire que, si la carrière de Radiohead se stoppait après cet album, elle aurait l’allure d’une de mes dissertations de philo de terminale : un album d’intro appliqué mais maladroit, deux albums de thèse, deux d’antithèse, deux de synthèse, et un de conclusion, baclé parce qu’au bout de quatre heures le cul sur une chaise (serait elle au sommet du monde), on a surtout envie de se barrer, plus que de conclure proprement. Mais cette théorie n’engage que moi, évidement. (Merde…. Je serais pas en train de chercher un sens à cet album, moi aussi ?)