jeudi 31 août 2017

103. Brett Anderson - Brett Anderson (2007)


La première fois que j’ai entendu parler de cet album, c’était peu après sa sortie. Donc (mathématiques) en 2007. Donc (honte) à un moment ou je ne savais pas qu’il existait un groupe important qui s’appelait Suede et que ce gars en était le chanteur à l’époque. Donc (logique) j’en avais un peu rien à faire de cet album. Et Suede n’était que le nom d’un groupe dont je voyais bien trop souvent le dernier disque au milieu des ventes d’occasion de Gibert. (Cela dit, Pulp aussi en fait, croyez le ou non).

Pourtant, 10 ans après sa sortie et en ayant découvert l’œuvre de Suede… Je n’avais toujours pas écouté cet album. Je ne sais pas à quoi m’attendre, et en même temps j’ai ma petite idée. Brett en T-shirt sur son canapé ça va nous roucouler du crooning (roucrooner du coup) dans le creux de l’oreille.

Soyons honnête : Brett est en voix, mais pas en voix. Il reste modéré et ne pousse pas trop loin. Si on était un salaud amateur de jeux de mots (ce que je suis un peu), on pourrait nommer sa chronique So old.

Pourtant… Il y a là un savoir faire, un talent, et une sincérité loin d’être désagréable. Si l’on prend « I am the Dust », le refrain est quand meme : I am the Dust / you are the Rain / I am the needle / and you are the veinEt personnellement je me vois écartelé entre “ Bordel qu’est-ce que tu veux raconter Brett? " et reprendre ce refrain en chœur parce que derrière ça envoie quand même de la power ballad sur laquelle je suis incapable de cracher. Je ne saurais même dire si on est vraiment dans la power ballad en fait, mais l’ami Brett fait preuve d’une telle conviction que c’est tout comme.
Enfin, tout embarqué que je sois à l’occasion (et cela m’arrive pas mal sur les trois premiers morceaux), cet album est un peu ce qu’on pourrait craindre qu’il soit. A savoir du Suede mou. On s’est habitué à une flamboyance sur fond de guitares tranchantes.. Là des fois on a de la tristesse sur fond de violons.Les envolées lyriques font l’affaire, mais les titres les plus calmes… Ben ils sont un peu chiants. Genre To the Winter et ses insupportable « Wo ho ho » en fond. Par contre, The Infinite Kiss, lancinant, avec de la guitare dans le fond… Eh ben ça passe tout seul. Même avec des chœurs. A croire que c’est une réaction épidermique personnelle : Brett + Violons = NON.
Et cette nouvelle équation se vérifie sur l’ensemble de l’album. A croire que ce n’est pas le lyrisme ou le calme qui me déplait (Ebony par exemple est très posé, très calme, mais très beau), c’est juste que la musique « orchestrale » (faute d’un meilleur terme) ne convient pas, mais alors pas du tout, à la voix couinante de Brett Anderson (si, il couine, les gars, quand même)
Au final on est face à un album auquel j'aurais tendance à faire des reproches similaires à ceux que je fais au premier album de Jarvis Cocker en solo (1) : les deux proviennent d’artistes que j’aime tellement pour leur prestance, leur flamboyance, leur folie, que le jour où ils se posent calmement, peu importe la qualité des chansons, il y a au fond de moi une intense frustration qui fait que j’ai du mal à apprécier pleinement. Cocker a corrigé ça avec un Further Complications furieux, Anderson en reformant Suede pour un album de résurrection agréablement…. Solide.



Chances de réécoute : 50 %, sincèrement, il a ses bons moments, pas impossible que je le ressorte occasionnellement pour ne serait-ce que ces quelques titres.

Titres marquants : I am the Dust, Ebony, Love is Dead malgré les violons. Mais sérieux. Allez écouter Snowblind sur l’album de reformation de Suede

(1) Et c'est ainsi, mon ami, qu'on boucle une boucle.

dimanche 27 août 2017

104. Bucky - Women, Ladies & Girls sing the Bucky Songbook (Sauf qu'en fait non) (2012)



Il faut croire que je n’ai pas de chance. Ou qu’on me met des bâtons dans les roues. Toujours est-il que, si Bucky est bien présent sur Spotify, seul l’album d’avant s’y trouve. Du coup c’est celui – ci dont on va discuter. Pour une raison de… de franchement c’était un bordel pas possible l’article précédent, au moins celui-ci je l’ai écouté en entier avant de « mettre la plume au papier » comme disent nos amis d’outre-manche même si en fait ce serait plus mettre le doigt à la touche mais on se comprend.
Du coup : Bucky nous livre une série de pop-song courtes (on dépasse pas souvent les 2 minutes, c’est dire), aux relents indie (la voix toujours au bord de chanter faux) et aux paroles toujours amusantes, parfois hilarantes. En particulier on notera « I am Dark » est son passage en français (Je reconnais beaucoup trop ce que j’étais à 16/17 ans dans cette chanson) ou Dog Calendar (a propos du chien de Cassius Clay tentant d’apprendre à jouer de la batterie mieux que Ringo Starr ?!). C’est du grand n’importe quoi, c’est gentiment sautillant et fun. Pas la révélation du siècle mais ça s’écoute.
Et je pense qu’un groupe qui trouve le temps de chanter « I’m a pony but soon I will be a horse », ou dédie une chanson de 48 seconde à son amour des bibliothèques et sa volonté de maitriser la Dewey mérite bien qu’on lui accorde une écoute entière. Surtout avec des chansons si courtes, sérieux.

Potentiel de réécoute : 20 % Sous réserve que je n’oublie pas purement et simplement que ce disque existe en fait

Titres Marquants : I am dark / I love the library / Teenage research / Dog calendar…

(Donc je suppose que c'est à ça que c'est supposé ressembler sur le disque dont j'aurais du pouvoir parler...)


jeudi 24 août 2017

105. Deerhunter - Halcyon Digest (2010)

Nota: Cet article a été rédigé en direct live pendant la première (et seule) écoute de cet album. Vous l'auriez sûrement deviné vous même, mais je préfère préciser.

Oh merde du post-punk. Ah non, de la pop atmosphérique. Bon, ouais, ok, c’est beau… Les effets sur la voix font que je comprends rien aux paroles. Le titre d’ouverture j’ai l’impression qu’il empile les clichés. On dirait du sous Radiohead de Hail to the thief (arpèges de guitare sèche, fausse mandoline qui s’emballe, effet en vrac, voix distordue répétant sans cesse la même chose…. Bordel dans quoi je me suis embarqué ?) Le morceau s’appelle Earthquake, et ça au moins c’est une bonne blague. Un tremblement de terre qui m’en touche une sans faire bouger l’autre.
Bon ok dès le second morceau ça sonne comme… a peu près n’importe quel album mal produit de garage californien des 10 dernières années. Sérieux, on me dirait que c’est une chute du Melted de Ty Segall, je le croirais. Du coup en fait j’aime bien. On va voir où ça nous mène. Bon ben on dirait qu’on continue dans cette direction sauf que attention, le refrain c’est « Darkness always / It does not make much sense » sur une musique sautillante. Bonjour, on kiffe l’ironie. Ballade lancinante ensuite. Arf. (C’est moi qui suis vieux ou les guitares électriques claires mais en accordage alternatif à la Jeff Buckley c’est un peu vieilli ?)
Bon OK. Le titre suivant, Memory Boy, a autrement plus de gueule. Une intro à la Turtles, guitares toutes jangly, une bonne mélodie pop, ca parle probablement d’amour et tout. J’avoue, pour classique que ce soit, ce titre claque bien.  Evidemment t’as décidé de gâcher ça dès la chanson d’après, groupe. Evidemment, je suis super rouillé parce que je n’aime pas ce titre pour une raison simple : il me rappelle plein d’autres titres que je n’aime pas. Je le trouve plein de gimmicks provenant d’autres chansons que je n’aime pas, genre cette « descente de guitare crépusculaire TM, je suppose » en fond.
Là où je suis rouillé c’est que j’ai du mal à retrouver dans quelles chansons que je déteste on trouve cela. Puis d’un coup, sur la fin, j’ai bien aimé. Sauf que là j’ai réalisé que j’aimais cette fin instrumentale, mais aussi que c’est parce qu’elle me rappelait « All over the world » des Pixies. Donc je sais pas trop quoi en penser du coup. Si ce n’est que question longueur, ils poussent quand même un peu le bouchon trop loin. La suivante m’a fait peur. Peur qu’on retourne dans les travers de la première. En fait non, petite mélodie sympa, ritournelle. C’est juste dommage qu’ils aient enregistré ça pendant que le producteur était parti. Sérieusement je n’ai rien à dire sur la suivante. Ok, si, je m’emmerde un peu. Surprenant.
C’est très bizarre, en fait, cet exercice. Se forcer à écouter un album, entier, et à prendre des notes. Je le réalise maintenant. C’est fun, mais bizarre. Je sais pas dans quelle mesure je suis de mauvais foi, ou juste brutalement honnête.
Et suivante… Ben oui, vendu, dès les premières mesures, je sais que ça va pas me déplaire. C’est simple et carré et un peu passé, certes, mais ce côté jangly, ça me parle, en fait. Donc j’imagine qu’au final, ça va être un album dont j’aime un titre sur deux, c’est ça ?  En fait, j’aime même beaucoup celui-là. Du coup a priori la suivante du coup… Oh merde. Piano tristounet…. Ah non. Tu vas arrêter d’essayer de me donner tort, Disque, ce serait sympa merci. OH PUTAIN DU SAXO. Mais ça passe. Elle est même plutôt bien cette chanson en fait. Bon j’ai fait une pause au milieu du morceau, et la mélodie m’a pas quitté pendant la pause. Donc au moins c’est entêtant. Non, sérieux, le saxo bordélique donne un côté Roxy Music déglingué (Oh le mec qu’a tellement pas de références que Saxo = Roxy Music…)
Non sérieux ça passe plutôt bien dans l’ensemble. Ok, dernier titre… He would have laughedI almost did. Sans moi pour l’instant. L’arpège de guitare tournant et les batteries qui se la jouent tribal très peu pour moi« I get bored as I get older/ Can you help me figure this out ». Au moins, le premier album passé en revue m’offre une bonne façon de résumer ce qui me pousse à me lancer dans cette session. Cool.



Potentiel de réécoute : 20 % (Probablement une fois pour revérifier cet avis, et derrière un ou deux des titres que j’ai apprécié)
Titres marquants : Memory  Boy / Desire Lines / Coronado

(J'avoue: après avoir cherché cette vidéo et vu à quoi ils ressemblaient, ils ont perdus 20 points dans mon estimé. Une chance que j'aie pas vu ça AVANT d'écrire.)

mercredi 23 août 2017

P*tain, 105.

 Quand même, j’aimerais bien me remettre au blog, et tout…
-          Eh ben remets-y toi. Ecris un peu, publie des trucs. T’as toujours des théories dont tu me fais part, essaye de les mettre sur le papier, un peu.
-          Oui, mais je suis pas inspiré… Chaque fois que j’ai essayé de me remettre à écrire, des que je fais une pause, quand je relis ce que j’ai déjà tapé, je trouve ça nul…
-          Et ? Corrige le, redémarre, je sais pas. Et puis aussi, arrête de te mettre la pression à tenter des trucs trop lourds pour toi.
-          Comme ?
-          Ben à chaque fois que tu t’es vraiment mis à réécrire, tu te lançais dans des projets pas possible, à absolument vouloir en avoir genre 10 sous le coude avant de faire quoi que ce soit…
-          Ben oui, mais je vais pas annoncer une méga série si je sais que je vais pas tenir le coup
-          Mais qu’est ce que tu t’en fous de l’annoncer, même. T’as rien écrit en 4 ans, tu crois vraiment que c’est si important que ça de faire les choses bien ?
-          Alors, déjà, c’est pas vrai, j’ai publié un truc il y a moins de deux ans, ensuite… J’ai pas envie de publier un truc qui va pas être aimé.
-          Oh putain, monsieur à de l’égo à revendre. De deux choses l’une. Soit les gens te lisaient pas et te liront pas. Soit les gens te lisaient sont là et te liront soit non. Mais si tu leur dit que tu reviens ET QUE TU REVIENS (ne mens pas, je suis sur que tu as déjà fait du teasing à certains de tes lecteurs sans jamais vraiment le faire. Du set-up, du set-up, jamais de payoff. Comme Steven Moffat...
-          Comment oses-tu ?!
-          Ben j’ose parce que c’est vrai. Toi et ton blog ces dernières années, c’est autant de Name of the Doctor.
-          Je… Je n’ai pas les mots.
-          C’est parce que tu sais que j’ai raison. Tu sais quoi ? Tu veux écrire ? Ecris. Mais arrête de penser à écrire.
-          OK, OK, Mais sur quoi ?
-          Mais ce que tu veux. Tu t’es quasiment toujours limité à la musique. Juste écris, sur ce que tu veux, ou même sur rien. Et publie si tu veux, publie pas si tu veux pas. Juste gratte des trucs. De toutes façons, tu pourras pas t’empêcher de publier, t’as jamais écrit pour le plaisir d’écrire. T’écris parce que t’aimes faire marrer les gens et que ça lance des discussions que tu aimes avoir… Et aussi parce que tu t’emmerdais à ton boulot, je crois ? T’as arrêté d’écrire parce que t’avais plus de débats sans fin dans les commentaires, ni chez toi, ni chez les autres.
-          Oui, et puis surtout, j’arrive pas à retrouver ma verve des temps anciens.
-          Justement.
-          Justement quoi ?
-          Ta verve des temps anciens. Je pense que tout à la fois t’as pas conscience que ta verve était probablement pas aussi géniale que tu ne crois t’en souvenir, et que les temps anciens sont plus anciens que tu ne le pense. Genre, va jeter un œil au dernier article dont t’es fier dans ta tête, va le lire. Dis moi quel âge il a et ce que tu en penses à la relecture.

(…)
(C’est pour marquer une ellipse genre il se passe des trucs)
(Mais vous le saviez probablement)
(…)

Le roi, préparant probablement l'épisode qui n'expliquera rien du cliffhanger de l'épisode précédent. (Et surtout pas comment il s'échappe du timestream)

-          Ok. 7 ans et Joker.
-          Tu vois ?
-          Donc tu penses que…
Je pense que tu pourras probablement pas écrire mieux que ce que tu croyais avoir écrit. Mais probablement pas pire que ce que tu as écrit de par le passé non plus. N’oublie pas qu’un jour tu as publié un article parlant de « Marc Bolan de Roxy Music ». Tout ce que tu as à faire c’est d’arrêter d’essayer de publier un truc quand tu le juges « parfait ». Parce que ton parfait est très relatif, tu vois… Juste… te remettre dans le bain. Tu devrais bien à un moment trouver un truc pour t’inspirer. Et puis il est possible que t’aies rien écrit ces dernières années parce que t’as quasiment rien écouté de neuf ces dernières années.
Non, c’est pas vrai, j’ai écouté plein de trucs !
Ok. Si tu veux. Mais avoue un truc : Les Ty Segall et autres Warm Soda, t’as beau les apprécier, ils ne t’inspirent pas. C’est tout. Oui c’est super cool à voir en concert et il y a des bons titres, mais est-ce que ça t’as vraiment touché, fait ressentir un truc pour de vrai tout ça ? Qu’est ce qui t’as touché ces derniers années comme musique (vu que t’as l’air d’insister à t’en tenir à la musique…) ?
-          Ces dernières années… hum… Hey !
-          Quoi ?
-          Je viens de penser à un truc.
-          A quoi ?
-          Bon, écoute. Tu dis que j’ai rien écouté ces dernières années. C’est pas faux.  Du coup, peut-être faudrait-il que je rattrape ces… disons dix dernières années ?
-          Pourquoi dix ? A quoi tu penses ? Je sens que…
-          Et Thomas vient de finir de publier son top 100 des albums des dix dernières années, et du coup je pourrais les écouter et écrire dessus pour me donner un contexte… Ecrire pour écrire.
-          Ah, donc on repart sur l’idée d’une série que tu vas pas publier avant d’en avoir dix-huit sous le coude, un carcan que tu vas te coller et qui va te rendre malheureux en dix secondes et que tu vas laisser tomber aussitôt ?
-          Mais pourquoi cette négativité ?
-          Parce que t’as déjà perdu du temps à faire des listes et tout… T’en fais pas, je vois totalement le côté positif et inspirant du truc : ça va te forcer à écouter des trucs que t’aurais probablement jamais écouté autrement. Si tu prends la liste dans son ordre (donc à rebours), normalement tu devrais passer ton temps à découvrir des trucs de mieux en mieux. Et puis la liste est un top, donc t’auras pas à subir d’horreurs normalement.  T’as juste intérêt à t’y tenir, et à pas lâcher, et… Attends pas d’en avoir dix pour publier.
-          Et puis au moins cette fois je vais pas bloquer comme un con parce que je dois critiquer un album de Damien Saez.
-          Parce que dans tes concepts à la con d’avant…
-          Yep.
-          OK. Prévois des projets long terme si tu veux, mais n’en prépare plus jamais les listes toi-même.

dimanche 20 août 2017

... And you will know us by the trail of dead - de l'art d'en faire trop

Je suis un imposteur.

Quand j’ai commencé mes études supérieures, vers 2004, je revendiquais cet album comme un de mes préférés. Pour la simple raison que, comme personne ne le connaissais, je me sentais utile, à faire découvrir un album aussi bon, et puis ça me permettais de me la péter un peu, de faire montre d’une certaine originalité que d’autres disques ne me permettaient pas d’avoir.
Il faut voir aussi que l’été précédent, je l’avais pas mal fait tourner et qu’il m’accompagnait presque tout le temps, en fond.

Mais j’étais un imposteur, disais-je.

Parce que cet album n’était pas à moi. Quand j’étais en prépa, j’avais 3 amis proches, au sein de mon lycée. L’un d’entre eux fut mon premier ami musicien et érudit (comprendre par là, un peu snob). Alors que nos chemins allaient se séparer par le biais des concours, un après-midi, alors que les cours s’étaient achevés plus tôt, il me proposa de passer chez lui pour me passer de la musique. Le souvenir se fait flou, donc je ne sais plus s’il m’a gravé un CD de mp3 à l’arrache (je crois que c’est ça, parce que les clés USB étaient encore une denrée rare à l’époque – si c’est le cas ce CD est perdu depuis longtemps), mais dessus, il y avait ce que lui, mon ami contempteur des Beatles entre autres, pensait être « des vrais trucs intéressants ». Oh, vous vous en doutez déjà probablement, c’est comme ça que j’ai découvert  Sonic Youth (Il y avait dessus, pour sûr, Washing Machine et Sonic Nurse qui venait de sortir). Il y avait aussi Spiderland de Slint. Cependant, pour une raison que j’ignore encore, il me passa ce CD (« je te passe le CD, parce que je l’ai pas ripé donc je l’ai pas en mp3 »), à la pochette avant très raffinée et à la pochette arrière affreuse ( offrant au regard un Rimbaud multicolore pas du meilleur goût). Peut-être parce qu’il savait que j’aimais les Smashing Pumpkins 1? Toujours est – il qu’il lança le début de Another morning Stoner, qu’en une minute j’étais conquis (le titre s’ouvrant sur ce qui est encore à l’heure actuelle une de mes intros préférées de tous les temps), m’expliqua à quel point ce groupe était génial (« tu te rends compte, en live ils changent de place entre les morceaux, un coup à la batterie, un coup au chant ! ») et que je repartis de chez lui le disque dans ma sacoche.

Outre Rimbaud en pochette arrière, il y a un titre qui s’appelle Baudelaire (qui est vachement enjoué pour ce titre, franchement), et donc ça avait de quoi parler à l’ado on-dit-pas-émo-on-dit-romantique que j’étais. Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi cet album me touchait autant. J’ai toujours eu du mal à mettre des sentiments là-dessus, alors des mots n’en parlons pas, mais ce disque m’a toujours parlé, alors même que je ne dois toujours pas en avoir compris le tiers des paroles. Ce disque, quand j’ai commencé mes études supérieures, que je quittais mes parents pour la première fois, et que j’étais désespéré de ne pas être seul au point d’en être chiant, je l’ai fait écouter à tellement de personnes. Et si peu l’ont compris. Aucun ne l’a adopté.
Amusant comme un disque devenait « rien qu’à moi » sans jamais avoir été « à moi » de base.

Sur ce disque, il y a une face A merveilleuse, avec Another morning stoner, bien sûr, mais aussi le très beau How near, how far tout à la fois plein de lassitude et d’espoir, la pétarade It was there that I saw you en ouverture2 , la tentative bizarre de hardcore mélodique (ça existe, ça ?) de Hommage

Pourtant, en le réécoutant maintenant, je réalise quelques trucs au sujet de ce disque :

  • OK, peut-être que je vois pourquoi la comparaison aux Smashing Pumpkins. Entre autres, cette batterie qui est incapable de garder un rythme, non, tout n’est que succession de roulement en tous sens un coup rafale de mitraillette, l’autre cavalcade effrénée, on distingue à grand peine la grosse caisse, et le rythme de base se voit souvent remplacé par un  titanesque mur de cymbales qui résonnent sans cesse, pas un instant de répit, d’ailleurs…
  • Cet  album ne ferme jamais sa gueule. Le moindre interstice entre les titres est rempli. On a pas fini le larsen de la chanson d’avant que l’intro de la suivante démarre, et si il y a plus de 30 secondes de répit, vas-y qu’on te colle un interlude.  Qui souvent reprend différemment (un coup au piano, un coup au violon) un passage d’une chanson à l’autre bout de l’album. C’est stupide, mais ça permet vraiment de faire de l’album un tout cohérent.
  • Quand on est pas dans un moment de calme tel qu’un interlude, tout pète dans tous les sens, tout le temps…. Sans une once de déformation. Pas de disto, une grosse caisse discrète au final. C’est impressionnant comme cet album sonne gros sans sonner lourd (comprenez heavy), jamais. Imposant, prenant tout l’espace qui peut lui être offert, mais bizarrement rapide et mobile, léger presque, comme si chacun des titres n’était qu’une ballade folk engloutie sous des déluges d’électricité. Chaque chanson, malgré sa stature, s’offrant un moment de légèreté, de ralentissement occasionnel, et souvent une petite envolée finale, laissant place à la joie après le désarroi ou la colère (selon le morceau) de chaque explosion de son.
  • Et aussi : Je me rappelle vachement mieux que je ne le croyais de la face B, qui recèle sont lot de bonnes chansons (Days of being wild, Relative Ways (qui était sorti en single à l’époque), Sources, Tags and Codes), et, même si elle contient le titre que j’apprécie le moins de l’album (Monsoon), son écoute reste agréable… Est-ce juste à cause de l’interlude que je stoppais quasi systématiquement mes écoutes après How near how far, ou juste que c’est ce titre précis qui me met dans l’état que je recherche lorsque j’écoute cet album ?



Oui, l’état dans lequel je veux être quand j’écoute cet album. Cette sorte d’espoir diffus, de tristesse teinté et d’autosuffisance mêlé. Ce disque m’a accompagné dans certains moments difficiles, et c’est peut-être pourquoi je n’en parle qu’aujourd’hui alors que c’est un des albums que j’aime le plus faire découvrir, même si à l’époque  j’avais plus cherché à l’imposer à mes connaissances qu’autre chose. Le partage de la musique, c’est comme le partage de tout : il faut que cela se fasse dans le respect et la modestie, à la bonne franquette quoi. On ne peut pas plus forcer les gens à apprécier la musique qu’on leur fait découvrir qu’on ne peut les forcer à nous apprécier, nous. Et quand, 3 mois après ce changement de vie, je me suis retrouvé paradoxalement plus seul que je ne l’ai jamais été, aliénant les gens du fait de ma crainte d’être isolé, Sources, Tags and Codes était là, bouée de sauvetage autant que malédiction. Ce disque que je connaissais et appréciais, moi, moi qui savait, moi qui comprenait ce qu’eux ne comprenaient pas, eux qui ne l’appréciaient pas, qui ne m’appréciaient pas. Une sorte de précieux qui était le symbole de ma supposée supériorité, sans pour autant que je ne parvienne à me réjouir d’être, tout simplement, moi3. En moins de temps que je ne pouvais le comprendre, ce disque n’était plus à moi, ce disque était – symboliquement – moi.  Difficile d’accès mais voulant pourtant plaire au plus grand nombre, qui essaye d’en faire trop, lourd, tout simplement, qui ne demande qu’à être apprécié, mais qui ne peut être apprécié que si on est déjà un peu barré à la base, trop bizarre et tordu sinon.


En fait, franchement... T'enlèves les corbeaux, les gars c'est The Hives.

Reste un album de belle stature qui m’aura soutenu dans un des moments les plus difficiles, ce qui fait qu’écrire dessus est si tétanisant. Réaliser qu’on a pu être un petit con, et pas qu’une fois, est probablement une des bénédictions de l’âge adulte, tout douloureux puisse être le regret de ne plus pouvoir saisir l’occasion de s’excuser, les gens concernés étant loin depuis longtemps.

Spent half a life deciding what went wrong… Effectivement, Il m’aura fallu quelques années pour réaliser tout cela et le mettre par écrit.


Au même titre qu’il m’en faudra pour réaliser que… On ne fait pas découvrir de la musique aux gens parce qu’on veut pouvoir se la péter, parce qu’on sait, parce qu’on est celui par qui la bonne nouvelle est arrivée. Non, on fait découvrir parce qu’on veut partager. Et la meilleure récompense en contrepartie est peut-être de découvrir ce que les autres veulent partager. Et vous savez quoi ? Discuter avec vous, partager avec vous, m’a manqué. Et c’est pas la faute aux disques (quoique), aux réseaux sociaux bouffant les blogs (quoique), c’est juste que… J’ai cru que j’avais quelque chose à dire, et qu’il ne servait à rien de parler pour ne rien dire. Or la vérité… c’est que j’ai surtout envie et besoin d’avoir quelque chose à entendre.
I don’t know what in this world is trying to save me / But I can feel its hand and it’s guiding me inside / From the life I tried to live / to the one that I received.




Aussi, je crois avoir perdu ce CD dans un de mes déménagements. Mais je l’ai trouvé en vinyle pour pas trop cher, depuis. Rimbaud n’a plus les honneurs de l’arrière de la pochette. C’est un vieux qui rit maintenant. Tout fout le camp… Sauf moi on dirait. Merci à ceux qui sont là, bonne route à ceux qui sont partis… Mais du coup me revoilà.


1 Trail of Dead est souvent comparé aux Pumpkins, pour des raisons qui m’ont presque toujours échappé. Je suspecte que c’est parce que s’il leur ressemble vraiment ça doit être à ceux de Machina, période du groupe qui a le moins mes faveurs.
2 It was there that I saw you dont je ne réalise qu’à l’instant (alors que j’en tapais le titre) que c’est peut-être une référence aux Beatles.
3 Il y a une sorte d’ironie totale et assez belle à ce que mes études se soient achevées avec ma découverte (tardive, oui) des Smiths et de I know it’s over, qui justement m’apprendra le message inverse à cette crise d’égo : « If you’re so clever… Then why are you on your own tonight ? ».