vendredi 10 décembre 2021

BioRadioSpective - Episode 3

 

OK Computer (Juin 1997)

 

Le voilà ! le chef d’œuvre, ! Le Sgt Pepper de la génération X ! LE grand album concept sur l’aliénation du monde moderne et de la froideur des machines !

Bon voilà les lieux communs sont sortis.

La vérité c’est que je n’ai pas forcément envie d’en parler. Je ne sais pas comment en parler. Ou plutôt je ne sais plus, parce que, c’est amusant, mais c’est probablement un des albums sur lesquels j’ai le plus écrit dans ma « carrière » de rock-critic (rien que sur l’ancien blog il avait été « critiqué » deux fois (à un an d’intervalle – mais bon la seconde fois c’était en 2007 du coup peut-être ai-je de nouvelles choses à dire ?)

Donc j’imagine qu’il faut revenir à la base… en Novembre 2000, je fête mes 15 ans. Cette année-là, mon anniversaire tombe un samedi, donc j’ai demandé à mes parents le droit de fêter ça à la maison, en bonne et due forme, avec mes amis – de l’aumônerie, ce qui a, peut-être (surement) à tort, rassuré mes parents j’imagine. Je vous épargnerai les détails de la fête (qui se tint l’après-midi, point dont je réalise aujourd’hui la tristesse). Or, ce jour là un ami de deux ans plus vieux que moi (et qui fut, rendons lui aujourd’hui hommage, mon premier mentor musical de la vraie vie), m’offre OK Computer. Gravé (sur un CD Verbatim blanc), mais avec la pochette scannée / imprimée, bref de la belle ouvrage.

Il y a une certaine ironie. Cet album je l’avais déjà (en cassette) et ne l’avais pas écouté plus que ça. Mais le fait qu’il décide de me l’offrir, m’a fait faire un effort, fait faire attention. C’est peut-être le premier album que j’ai écouté avec attention de ma vie. Quelques années plus loin on finira par se fâcher et juste se perdre de vue, mais il me semblait judicieux de rendre un rapide hommage à celui qui m’a fait (re) découvrir Radiohead, surtout qu’il m’a aussi fait lire Pratchett.


Et du coup, j’ai évidement été obsédé par cet album pendant facilement 6 mois après.  Pas que parce que j’avais 15 ans et que j’étais impressionnable, mais aussi parce que c’était un album impressionnant. Plein de tristesse et de beauté – à un moment où je découvrais mes tendances à la déprime en tant qu’ado. Et aussi… unique. Mais vous vous en doutez bien si j’ai commencé par la pléthore de sarcasme c’est que mon avis a peut-être évolué depuis cette époque.

Il y a un paradoxe fondamental dans ma relation à OK Computer. Parmi les classiques de mes 15 ans c’est peut-être celui que j’ai le plus appris à moins aimer. Et pourtant, c’est peut-être aussi celui que je continue à écouter le plus souvent. Enfin, des morceaux de lui.

Soyons honnêtes et parlons-en tout de suite : la disparité entre la face A et la face B est terrifiante. La face A d’OK Computer va se classer très haut avec les Face A les mieux réussies de tous les temps (Côte à côte avec celle de Master of Puppets). Le titre le moins bon de cette face A c’est Subterranean Homesick Alien et il y a des groupes qui n’atteindront jamais la moitié de la force de ce titre de toute leur carrière. Et en plus de contenir des titres d’une classe incroyable (plus je vieillis plus je suis heureux, simplement, que Paranoid Android existe – en même temps quand j’avais 15 ans j’avais décidé qu’elle n’était pas si bien par rapport à Karma Police), il y a dans leur enchainement une grâce qui renforce l’édifice sans pourtant rien enlever à leurs qualités individuelles.

 

Putain mais qu'est-ce qu'on a fait?

Par comparaison la face B parait être un fourre tout de ce qui ne tenait pas dans ce quasi medley qu’est la face A. Comme si toute l’inspiration avait été absorbée au début et qu’on laissait les restes derrière.  Alors, oui, j’exagère grandement. Mais cette impression pour moi est renforcée entre autres par le fait que les faces B des différents singles palissent, non seulement comparées aux faces A, mais surtout comparées aux faces B de l’album précédent. L’inspiration du groupe, si elle est plus fascinante que jamais sur les bons titres, est tristement inégalement répartie. Et cette piqure n’en est que plus douloureuse quand on écoute les inédits de la réédition de 2017 pour réaliser que… les morceaux laissés de côté ils défoncent amplement les faces B ! (Sauf peut-être Polyéthylène, mais peut-être est le chimiste en moi qui parle.)

Mais cette pauvre face B ce n’est pas sa faute. C’est aussi la faute aux évènements. No Surprises est une bonne chanson, dont je n’ai compris le réel sens que trop récemment, et qui fait tristement écho à ces moments de ma jeunesse ou la vie se faisait trop difficile et je ne rêvais que d’arrêter de vivre (pas de mourir : juste de pouvoir faire pause – c’est amusant j’ai l’impression que c’est un sentiment que beaucoup ont pu ressentir dans leur vie mais très difficile à mettre en mots. Radiohead en parallèle nous rappelle gentiment que : la souffrance, c’est la vie.)

Mais c’est une chanson utilisée jusqu’à la nausée en tapis de la moindre œuvre audiovisuelle larmoyante (si, L’amour est dans le pré ça compte comme œuvre audiovisuelle.) Et tristement depuis quelques années il semblerait qu’Exit Music (for a film) commence à suivre ce chemin.

Et le titre, par sa présence ici, « gâche » un peu un enchaînement qui gagnerait à… en être un, en fait. S’il s’enchainait vraiment, si les transitions étaient fignolées, Climbing up the walls / Lucky / The Tourist pourrait constituer une entière phase où l’ambiance prend le pas sur le sens et rivaliser de génie avec ce que je considère comme un des plus grands coups de génie du genre, à savoir l’ouverture de Thirteen tales of urban bohemia.

 

Ceci étant dit… quelle face A ! Plus de 20 ans plus tard, j’aurais du mal à m’en lasser, et si mes préférences continuent de fluctuer (un peu, hein, on sait tous que le tiercé gagnant c’est 5, 2, 6). Et également, quel visionnaire que ce Thom Yorke. La réalisation terrifiante de tous ces flux auxquels on ne paye plus attention dans Let Down (et en plus aujourd’hui on sait qu’il vont nous buter à petit feu), la description de ce qu’est Twitter dans Karma Police, la bipolarité qui va finir par tous nous bouffer de Paranoid Android. Au final, au milieu de tout cela, Exit Music (for a film), est presque la seule chanson avec un peu d’espoir, même s’il est celui de voir des gens s’étouffer (l’asphyxie étant une thématique récurrente du disque. Et quand on y réfléchit un peu, du précédent aussi (la décompression c’est un étouffement ?)

Rien ne fait plus peur au groupe que d’avoir du mal à respirer. Etouffé par son label, par son succès, par le poids des attentes d’un public acquis à sa cause, certes, mais pour combien de temps ? Et cet album (théoriquement un presque sabordage volontaire) qui veut offrir une bouffée d’air en rendant au groupe un succès d’estime, une gloire plus indie que le succès mainstream qu’ils connaissent depuis quelques années.

Mais ce qu’ils n’ont pas anticipé à mon avis, c’est le fait que… cet étouffement, cette difficulté, ce dépassement par ce que la vie est… Il y a toute une génération nouvelle, qui n’a pas eu l’opportunité de connaitre Nirvana en activité et à qui ça va parler et pas qu’un peu. Et Radiohead, une seconde fois, de tomber vers le haut, de rater sa volonté d’envoyer chier – cette fois-ci – tant son label que son public (un peu) et de se voir, maintenant, accrocher une étiquette dont il sera encore plus difficile de se séparer : celle de génies. Je compatis. Mais de fait, ayant commencé par là, Radiohead, on me les a vendus dès le départ comme des génies. Et c’est seulement avec le temps que j’ai découvert la face tendre, humaine (trop… non non, on va pas la faire celle-là), sensible d’un groupe (qui pourtant geint à longueur de chanson) et de cet album. C’est ce chemin qui fait qu’à terme mon titre préféré est et probablement restera Let Down, un autre de ces titres qui met face à la Beauté et appelle frissons et larmes en un même élan.



Asphyxie dans 3, 2, 1...

Je n’ai pas eu la chance de voir Radiohead devenir le plus grand groupe de rock du monde connu, parce qu’il l’était déjà quand je les ai découverts. Et c’est un tour de force, clairement, que de convaincre tant de monde, au tournant des années 90, d’écouter ce qui est finalement du prog mais qu’on appelle pas comme ça parce que le terme est maudit.

A partir de maintenant, la chronologie de ces chroniques va revenir à la normale (pour un temps). Et Thom va réaliser que si l’après Bends lui donnait des crises d’angoisse, l’après OK Computer… ben c’est être enterré vivant. Ou être à nouveau un adolescent.

 

 

Plus mauvais titre: On sait tous que c’est Fitter Happier. Et c’est trop facile de s’attaquer à Electioneering, qui, malgré le fait que le refrain c’est littéralement « Si tu avances quand je recule », est un titre que j’aime bien (un de mes préférés à 15 ans). Du coup je pense que la lanterne rouge ira plutôt à « Climbing up the Walls », même si, vous en avez bien conscience, c’est en toute malhonnêteté.

Meilleur titre pas sorti en single : Il est pas sorti en single Let Down, techniquement., même s’il est sorti en face B. Parce que vu que c’est un des tout meilleurs titres du groupe, forcément je peux pas en citer un autre.

Meilleure face B de single de la période : En vrai, le meilleur titre non album de la période il est sorti dans les inédits de la réédition de 2017 et c’est Man of War. Mais si vraiment on s’en tient aux faces B non album sortis à l’époque ce serait Polyethylene (Parts 1 & 2).