samedi 4 juin 2022

BioRadioSpective - Episode 7

In Rainbows (Octobre 2007)


Cher ami lecteurice, me voici face à un bien épineux problème. J’ai tellement réfléchi à cet article que je ne sais pas par quel bout le prendre. Donc en introduction je vais vous compiler toutes les réflexions par lesquelles j’ai envisagé de commencer cet article :

-          Sentons-nous vieux ensemble, et réalisons qu’en parlant de ce septième album sur neuf, nous n’en sommes, techniquement, qu’à mi-chemin : il s’est écoulé en fait plus de temps entre la sortie de In Rainbows et aujourd’hui, qu’entre celle de Pablo Honey et celle de In Rainbows.

-          En 2007, Radiohead, libéré de son contrat avec Parlophone, crédible comme pas permis, escorté d’une solide fan base, et en quelque sorte dépourvu de détracteurs (Il y a des gens qui n’aiment pas Radiohead, qui ne sont pas intéressés par leur musique, ou qui trouvent qu’on en fait quand même beaucoup et qu’il faut quand même pas exagérer, mais je n’ai encore croisé personne qui déteste fondamentalement le groupe de la façon qu’on peut détester U2 ou Coldplay, et ce, malgré un engagement politique… existant)… est probablement le groupe de musique le plus « libre » depuis… les Beatles après la création d’Apple ? Et en plus ils s’entendent encore vachement bien, même si Thom a sorti un album solo (que je possède mais n'écoute jamais mais sert à donner une justification à l’intercalaire « Y » de mon étagère à CDs)

-          On arrive, avec In Rainbows, à la fin d’une évolution de format : on avait commencé avec des CDs copiés sur cassette, puis gravés et offerts comme cadeau, puis des CDs gravés en échange de quelques… Francs (putain je suis vieux) puis carrément gravé gratos parce que bon les piles de CD Vierges BASF sont devenues monnaies courantes, puis achetés le jour de la sortie parce que je suis presque un adulte (ha ha), et In Rainbows… In Rainbows… 

(Transition flashback de sitcom avec les mots qui se répetent en échos et l’écran qui commence à faire des vagues verticales)

2007. Je suis stagiaire à Lyon (enfin, Villeurbanne). Mon stage est assez insupportable. Mais heureusement j’ai de bons camarades d’école qui, eux aussi, sont stagiaires dans le coin, et c’est sans compter sur les amis d’école déjà diplômés qui ont investi la ville. La dernière fois que Radiohead avait sorti un album, j’avais commencé mes études supérieures depuis un an. Maintenant qu’ils en sortent un nouveau, je suis à un an de les achever. Un gouffre, que dis-je, un monde s’étend entre les deux (surtout que j'ai redoublé). Et aussi : c’est le premier album de Radiohead que j’ai du attendre. Et pas qu’un peu. De plus tous mes amours des années lycée / prepa ont déjà ressorti un album (au moins) et du coup je me suis éloignés de la majorité d’entre eux, il ne me reste que Radiohead pour me rattacher à mes vertes années.

 

Entre autres choses, à la faveur de l’ennui du monde et du développement du Web 2.0, j’ai ouvert un blog. Pour situer dans la timeline, pensez que j’ai découvert l’existence de Youtube il y a 3 mois. Qu’on est à une époque où l’interface de Dailymotion est meilleure que celle de Youtube. Et donc, à la sortie de In Rainbows, ce blog avait deux ans ! l’iPod remplaçait le discman, et déjà le Rock-Critic perçait sous le fan.  Et c’est dans l’appartement de la copine d’un pote qui héberge un autre pote (c'est difficille à rédiger sans citer les noms des gens dites donc) pour la durée de son stage que je lance le téléchargement du fameux album gratuit (et quelques autres trucs en même temps, tant qu’on y est- en particulier du Nick Cave, que je suis en train de découvrir en parallèle – le vendeur du Gibert Joseph de Lyon m’a conseillé de commencer par Murder Ballads, qui en plus était en promo, mais je veux creuser plus avant). Puis je le charge sur mon iPod (on m’en a offert un pour mon anniversaire l’an dernier). Une fois rentré, je vais faire un truc pour peut-être la première fois, et possiblement la dernière parce que soyons sérieux c’est un comportement de peigne-cul : écouter l’album, entier, d’une traite, au casque, seul dans le salon. Je sais même pas si je buvais quelque chose en même temps. A partir du lendemain, je vais me ruer sur les chronique qu’en font les potes (et je me rappelle clairement que Systool fut le premier à dégainer (vous vous rappelez de Systool les lecteurs d’époque ?))

 

Et… ben j’avais pas vraiment été convaincu. J’avais adoré les deux titres d’ouverture, et le « Videotape » de fermeture qui m’avait laissé frissonant. Trois sur dix c’est pas foufou. Quelques mois plus tard et après que Thomas ait attiré mon attention dessus, je redécouvrirais et adorerais « Jigsaw Falling into place », mais pendant longtemps j’en resterai là : quatre très bons titres avec un ventre mou au milieu, telle restera mon idée de cet album. Et cette déception radioheadienne colorera peut-être mon accueil de l’album suivant, quelques années plus tard… On y reviendra.

Mais mon lien à ces quelques titres adorés reste fort et inscrit durablement dans ma mémoire : à l’écoute de « Bodysnatchers », ce sont les quais de Saxe Gambetta qui apparaissent devant mes yeux.

… Et quelques 15 ans plus tard, c’est en fait la réécoute de cet album, volontaire, consciente (il a bien dû tourner une paire de fois dans le fond dans ma vie depuis 2007 hein), après l’avoir vu classé numéro des albums préférés de tous les temps d’un de mes youtubers analystes de musique favoris, devant … bien des albums que j’adore qui m’a amené à rédiger cette série d’article. Pas rien donc. Mais qu’avais-je loupé à l’époque qui m’accroche aujourd’hui ?




« Le changement dans la continuité » est une expression d’autant plus galvaudée qu’elle ne veut pas dire grand-chose. Pourtant c’est exactement de cela qu’il s’agit avec In Rainbows. Là où l’album précédent se proposait de réaliser une synthèse entre les phases « électro » et « rock » de Radiohead en changeant de style à chaque titre de l’album, ici on assiste, à proprement parler, à une synthèse. Outre les titres d’ouverture et de fermeture évoqués précédemment, le gros d’In Rainbows, soit donc ces titres que je négligeais, sont des titres que je ne parviens à désigner que comme « d’électro organique ». Comprendre donc des morceaux d’électo… mais joué avec des instruments « conventionnels »1. Monotones, répétitifs, tels des boucles d’instru jouées… en boucle donc, avec la voix de Yorke à la limite de l’articulé (certains accusent Yorke de faire des vocalises, de mon angle il utilise juste sa voix comme un instrument complémentaire à ceux de ses collègues). Et c’est aussi peut-être ce qui explique ce sentiment d’ennui : peu de chose changent, les titres centraux n’ont pas toujours de structure reconnaissable outre cette boucle centrale…Pourtant.. pourtant à la réécoute, ce qui me frappe c’est la capacité du groupe à briser cette monotonie qu’ils créent eux-mêmes. Dès qu’on commence à ronronner dans un titre s’offre a minima quelque chose de nouveau, au mieux, une cassure totale, une refonte du morceau à mi-chemin. Ce qui fait de cet album, pour qui aime chercher de la symbolique n’importe où, une sorte de condensé de la carrière même de Radiohead : ce faux sentiment de confort, de familiarité, avant qu’on nous tire le tapis sous les pieds. Et bien entendu la façon compte. Ce n’est pas pour rien que certains titre de l’album sont devenus depuis 15 ans des piliers des setlist de concert : si j’allais voir Radiohead sur scène aujourd’hui, je voudrais un « Reckoner » ou un « Weird Fishes / arpeggi » (j’en prends volontairement des joués régulièrement, ne déconnons pas) autant que je voudrais, je sais pas moi, un « Pyramid Song » (plus, même, en fait) ou un « Paranoid Android » (mais jouez Paranoid Android quand même hein).

 

En ce sens, « 15 Step » en ouverture est caractéristique de ces bizarreries : le rythme est saccadé, improbable, la guitare joue des phrases qui vont à l’encontre de tout ce qu’on a pu (de ce que j’avais pu) entendre(à l’époque je pensais que c’était des bandes passés à l’envers, même). Pourtant… tout est « fait main ». Cela apparait logique avec le recul : pour pouvoir les jouer sur scène, les morceaux de Kid A / Amnesiac avaient du être adaptés à une version plus organique, mais sans pour autant perdre de ce qui faisait leurs caractéristiques, en termes d’ambiance, de rythmique, …  Et ces morceaux electro-organiques, il y en avait déjà quelques uns sur HTTT (Backdrifts, Where I end and you begin).. Et là il n’y a que ça. Ce n'était pas mes préférés sur l’album précédent, mais j’étais loin de les détester (c’était plus les ballades « classiques » qui m’ennuyaient). C’est peut-être cela aussi qui me laissait indifférent à l’époque. 

Mais aujourd’hui… Je crois bien que c’est leur meilleur album. Plus abouti, plus contrôlé, plus cohérent que tous les autres (excepté The Bends). Moins aventureux, certes, mais à ce niveau n’ont-ils pas le droit, un peu, de juste faire des trucs bien sans qu’ils soient révolutionnaires ? (l’aventure, pour le coup, s’est faite sur le mode de distribution, je suppose. C’est donc un album méta-aventureux). N'étoins-nous pas franchement pourris gâtés pour que tant d'entre nous fassent la fine bouche fasse à une évolution prévisible, certes, mais une évolution quand même (et dans le bon sens). In Rainbows, contient certains des moments les plus extraordinaires de la discographie du groupe. Aucun morceau n’a sonné plus rêchement agressif que Bodysnatchers. Nude, Weird Fishes, ces morceaux vaporeux où l’on arrive pas à comprendre ce que raconte Yorke sont des pépites. Videotape continue de me mettre à terre autant que Jigsaw falling into place me file la pêche avec son petit crescendo et l’accélération finale à partir du title drop. Et… Le break à deux minutes de Reckoner est le plus beau moment de la carrière du groupe. [Preparez vous, fin d’année j’ai Reckoner en chanson la plus écoutée de l’année je pense].

D’une certaine façon, si l’aventure s’était arrêtée à, si Radiohead avait disparu après cet album… On aurait affaire à une discographie parfaite, avec une certaine symétrie… Un peu comme les aventures de Harry Potter arrivées à leur fin quelques mois plus tôt. Et dont le tome 8 est… discutable.2

Mais je suis content d’avoir, même si tardivement, redécouvert cet album et d’enfon pouvoir l’apprécier à sa juste valeur. Comme ils disent… True Love Waits.

 

 

Plus mauvais titre: Je sais pas si c’est le plus mauvais, mais devoir écouter House of Cards entre deux de mes titres préférés me semble toujours interminable

Meilleur titre pas sorti en single : 15 Step (j’ai été surpris quand j’ai vu la sélection des titres sortis en single en fait - ce ne sont pas forcément des évidences)

Meilleure face B de single de la période : Par face B je vais considérer le disque 2 que je n’ai découvert que récemment parce qu’il est sur Spotify et qu’en tant que stagiaire j’allais pas acheter le coffret Vinyle (j’avais même pas de platine à l’époque).  Et ce sera Down is the new up. (Même si j’adore Bangers & Mash - je veux juste pas passer pour le bas du front qui aime le morceau le plus rock)

 

 

 

1 Et c’est pas que je m’en suis rendu compte d’un coup récemment, ou que je m’en rendais aps compte à l’époque, c’est que pour une fois (et Internent et merveilleux par fois) j’ai fouillé un peu, et on trouve l’intégralité du concert « From the basement » associé à cetalbum sur Youtube. Le truc dont je me suis rendu compte récemment et qui m’a fait me sentir con c’est « Ah… In Rainbows… et c’est leur 7 eme album. Et il y a 7 couleurs dans l’arc en cial. Aaahh… c’est pour ça »

2 Il y a un autre lien entre Radiohead et Harry Potter, c’est que deux membres du groupe jouent (derrière un magistral Jarvis Cocker) dans le groupe qui anime le bal dans « la coupe de feu »