dimanche 29 juillet 2012

Le jour ou je trouve un titre à cet article, j'ai un titre pour mon autobiographie

J’avis beau savoir que ça allait me forcer à recommencer à écrire, je ne savais pas encore comment. J’ai naïvement cru que j’allais pouvoir reprendre à l’ancienne et à la rigueur peut-être faire allusion à ma situation courante.

Sauf que non, je suis vraiment con, et quand tu as un truc qui occupe le plein centre de tes pensées, c’est pas forcément le truc ni le plus malin ni le plus simple que de chercher à en causer seulement par petites touches.

 

Si vous êtes ici c’est parce que vous êtes un ami de la famille et que je vous ait envoyé ce lien directement, donc nous sommes entre gens de bien et autant que j’arrête de faire du suspense : le 13 Juillet dernier on m’a diagnostiqué un lymphome. Je suis donc en arrêt de travail depuis. Je subis des examens destinés à déterminer à quel type on a affaire afin de pouvoir déterminer au mieux le traitement à me faire suivre. Ce type de maladie, même s’il y en a plein de types, est connue et a tendance à se soigner avec de bons taux de réussite.

Reste que je n’ai même pas encore 35 ans, que ma fille n’a même pas un an, que j’ai un cancer et que ça me fait chier (et aussi, évidement, peur).

 

Paradoxe de la maladie

Comme me l’a expliqué le docteur, le lymphome… Ben c’est comme ça, ca vous tombe dessus. Y a pas forcément de raison ou d’antécédent qui le justifie. C’est bizarre, mais ce point me rassure autant qu’il me préoccupe.

En fait c’est ça qui m’a fait vous causer autant de néo-métal que de colère sans sujet j’autre jour : c’est probablement aussi faux que malsain, mais si j’avais quelque chose qui peut directement être associé à mon manque d’hygiène de vie des… 20 dernières années, au moins je pourrais me haïr, ou a défaut haïr ue image passée de moi-même que je jugerai responsable de ce qui m’arrive.

De la même façon, mon premier réflexe à l’annonce de la maladie avait été de soudain l’envisager en mode « moi contre mon système lymphatique » sauf qu’en fait non ça peut pas marcher comme ça.

Ma généraliste, à qui j’avais partagé cette constatation, m’a offert l’image de « nous, c’est vous ET votre système lymphatique contre le cancer », et si je… veux bien, j’ai beaucoup de mal à gérer une anthorpomorphisation de la maladie qui m’atteint.

 

Paradoxe de la vision de l’avenir

En l’état actuel je suis dans la phase d’investigation. Pour tout vous dire (on est entre gens bien), je dois être opéré vendredi (biopsie) pour savoir une bonne fois pour toute (espérons le) de quoi il en retourne. Ce qui m’attend derrière me terrifie autant que m’impatiente. J’ai envie d’enfin passer dans une phase de traitement, j’ai envie de pouvoir aller mieux, j’ai envie de sentir les plus flagrants de mes symptômes disparaitre petit à petit (« de la chance dabs mon malheur » : j’ai des symptômes tout cons genre des raideurs dans le cou qui y sont directement associé et que j’ai sincèrement hâte de sentir partir). Mais ça passe aussi par … Ben le traitement lui-même, dont les conséquences me terrifient d’avance. Tel un Socrate moderne (et Dieu sait que je honnis de me comparer au casse-couille en chef), tout ce que je sais c’est que je ne sais rien. Je peux bien essayer d’appeler à moi le souvenir de mes pires gueules de bois et angines cumulées, une part de moi sait que je suis encore loin du compte. Enfin le point primordial c’est qu’à ce moment là, l’ensemble m’offrira un peu de structure. Peut être que je redouterais à jamais un jour donné de la semaine, mais ce sera différent de la période courante ou tout à la fois je suis pas sur de ce que j’ai précisément, et suis à la merci de quand l’hôpital m’appellera pour s’occuper de moi (par exemple : j’ai fais deux test COVI en 3 jours parce qu’on m’a décalé ma chirurgie et que le test COVID doit être « frais » de moins de 48 h.)

Credit where credit is due: en deux semaines quasi toutes les étapes d’exploration auront été faite, sachant que la biopsie se gère pas sur un coin de table non plus… J’ai la chance d’être pris en main par des gens compétents et pour la plupart sympathiques.

 

Les conséquences se font déjà voir et elles sont positives

Je ne parle pas du fait de perdre mes cheveux – je sais même pas encore si ça arrivera. Mais plutot d’une remise en question plus générale, un choc lié à a façon dont on se répond soi- même à la question « si je mourais maintenant, est-ce que j’aurais au moins l’impression d’avoir vécu ? » et bien sur… « Qu’est-ce que je regrette ? »

A la vérité, je peux d’ores et déjà vous dire que je regrette beaucoup de choses sur le plan professionnel (qui est là où j'ai le moins l'impression d'avoir vécu). Mais je ne peux pas réécrire l’histoire et démissionner au bout de deux ans de postes que j’ai occupé plus longtemps que ça, et puis de toutes façons c’est probablement le dernier pan de ma vie sur lequel je vais pouvoir agir – chronologiquement.

Non. On remet de l’ordre tranquillement dans son jardin personnel, arrachant les regrets qu’on peut telles des mauvaises herbes. Longtemps j’ai craint de ne pas trouver le courage de redire à mon père que je l’aime (pour la première fois depuis mon adolescence, peut-être). Longtemps j‘ai eu peur de ne lui dire que sur son lit de mort à la rigueur. Et jamais il ne m’était venu à l’esprit que mon lit de mort serait peut-être le premier. Eh bien quoiqu’il arrive cette crainte n’a plus lieu d’exister. Comme quoi il ne sort pas que du mauvais des mauvais évènements.

Aussi, permettez-moi de vous le dire, à vous tous à qui j’ai envoyé le lien vers cet article : je vous aime. On s’est peut-être pas causé sérieusement depuis des piges, peut-être même que je vous dois encore 5 euros d’un coup qu’on a été boire en 2010 j’en sais rien, mais peu importe : je veux que vous sachiez tout à la fois que c’est la merde mais que je suis bien entouré. Et que, d’une façon ou d’une autre, vous me manquez suffisamment pour que je sente le besoin de vous informer.

 

Des bises à tous.

 

mercredi 15 février 2012

Up the Bracket (Libertines, Angleterre, 2002)



Oui, j’avais 16/17 ans quand j’ai découvert cet album. Oui, à l’époque, j’admirais encore Muse et Placebo, qui n’avaient pas encore publié les albums infâmants qui me les feraient vouer aux gémonies à peine un an plus tard.
Oui, j’étais adolescent. Et alors, la belle affaire.  Réglons le problème tout de suite : le fait d’apprécier plus un truc du fait qu’on le découvre adolescent n’est aucunement un critère de qualité, mais certainement pas de médiocrité non plus.  Si vous considérez cet état de fait comme une raison pour un album de ne pas recevoir le label qualité, révisez de suite votre avis sur Musset, Rimbaud, Baudelaire ou Les souffrances du jeune Werther : vous verrez que ce ne sont pas des œuvres dont le goût « passe avec l’âge », et la raison en est simple, ce sont juste de grandes œuvres. Il en est de même avec « Up the Bracket ».

Et puis de toutes façons,  autant le dire de suite, quand j’ai découvert cet album, acheté à l’époque sur la seule foi d’une critique « disque du mois » dans le Rock & Folk numéro 423, je me suis senti floué. Je n’ai tout simplement pas aimé ce disque, mis à part les deux premiers moreaux et la chanson-titre. Puis, trop occupé que j’étais à découvrir, en vrac, les Doors, Bowie ou les Who, j’ai purement et simplement laissé tombé cet album, que j’ai  même (c’est à peine si j’ose le dire) traité avec le dernier des mépris. Pensez-bien : il fut une époque, aux alentours de 2004-2005 où, dans mon appartement nancéien, ce disque me servait de sous-tasse, afin que le café qui pouvait s’échapper de mon mug Rolling Stones ne viennent pas salir mon bureau. Et quand je dis le disque, je parle bien du CD sans sa boîte. Après de tels traitements, j’en viens à me demander parfois si ce n’est pas la providence divine qui lui a conservé sa capacité à passer encore dans la chaîne sans tressautement, vu l’état actuel de certains disque que j’aime moins dorénavant mais avait bien mieux entretenus.

C’est bien plus tard, ramené dans le giron des Libertines – et bien après que Doherty ne soit devenu le gibier pour photographe de Voici sous la forme duquel on l’a découvert dans nos contrées – par le second album, que j’ai compris la beauté* de ce disque.  Ce disque n’est pas, comme je l’espérais à l’époque, un disque de revival comme pouvaient l’être d’autres albums sortis à peu près à la même époque (les premiers Vines, Strokes…) C’est un disque de transition, de synthèse. Les Libertines font tout à la fois penser à tout le monde sans jamais vraiment ressembler à personne (ni à rien, ajouterons les toujours prestes haters que le groupe a réussi à créer bien malgré lui). Quelque soit le terme qu’on cherche à accoler à ce disque (morgue, classe, fougue, urgence) , il lui va comme le gant qui fut porté plus tôt par un autre groupe anglais, qu’il s’agisse, au choix, des Kinks, Clash, Smiths, Blur (comme par hasard dans l'ensemble des groupes dont les textes sont loin d'être mauvais...), j’en passe et des meilleurs et des majeurs comme des mineurs.

"So great I cried". Le NME, tout dans la mesure comme moi, honnête comme mon ex.

En ce sens, la carrière météoritique du groupe et totalement justifiée (symboliquement s’entend), passeur qu’il fut entre le XXème et le XXIème  siècle, symbole d’une génération éphémère : la mienne, celle qui, coincée entre les fouilleurs de bacs et les fouilleurs de liens a fait l’essentiel de sa culture en gravant des CDs empruntés à des potes où à la médiathèque. Une génération fin de siècle, qui, après les cyniques 80’s et les dépressifs 90’s a voulu, l’espace de 12 pépites et 36 minutes parfaites, croire à nouveau en un romantisme flamboyant, rageant et classieux, en un élan de sturm und drang sur fond de guitares saturées qui finit par converger vers cette phrase qui résonne comme un manifeste :  if you've lost your faith in love and music the end won’t be long.

Il y a 10 ans, j’étais un jeune étudiant déçu par un album du mois acheté à la sortie d’un cours de maths long comme un jour sans pain. Aujourd’hui, j’écoute pour une énième fois un album que je trouve éternel en me demandant comment j’ai pu passer à côté à l’époque, en attendant mon « entretien d’évaluation personnelle » annuel. Il y en a, des disques que j’ai fini par renier, la maturité, l’évolution de mes goûts et l’arrivée de l’âge adulte aidant. Mais il faut croire que toute la maturité du monde ne pourra pas enterrer celui-ci.

Le jour où je finirais par aimer moins, voir des défauts, ou, pire, dénigrer « Up the Bracket », ce ne sera pas parce que je serais devenu un adulte… mais un vieux con. Dieu m’en garde, pour l’instant, I get along.



 



* C’est fou ce que les clichés et tics d’écriture ont comme force : par peur du vide qualificatif, j’ai quand même failli coller un « vénéneuse » ou un « diaphane » qui n’a rien à foutre là.