jeudi 10 novembre 2011

Smashing Pumpkins, Paris (Zénith) - 9 Novembre 2011

Ca y est, j’ai enfin vu les Smashing Pumpkins sur scène. C’est purement et simplement un rêve de « moi à 16 ans » qui se réalise. Et autant le dire dès le début de cet article, ce ne fut pas le plus grand concert que j’aie jamais vu. Cela dit, ce fut tout de même une très bonne soirée.

Les appréhensions que j’avais avant le concert résument finalement assez bien mon ressenti du concert lui-même. Comprenez : alors que j’allais enfin les voir sur scène, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Un peu comme quand on va voir un groupe qu’on adore pour la première fois quand celui-ci vient de sortir son pire album, on fait tout pour ne pas bouder son plaisir, mais pourtant, on a du mal à ne pas regretter de les avoir ratés sur la tournée d’avant.

Enfin. Bien installés dans la fosse du Zénith (pluriel, car concert familial : ce n’était que justice que d’embarquer ma frangine – à qui je dois en grande partie mon amour des citrouilles pour ce concert, et le « moi à 16 ans est aussi présent, surtout que quand on voit Ouï FM sponsoriser un concert des Pumpkins, on a l’impression d’être de retour en 2000…), on endure la première partie en attendant qu’arrive le vrai show. Pour la première partie, on dira juste que ce groupe cumulait les bonnes idées et références (viennent d’Austin, TX, influences Sonic Youth / Jesus & Mary Chain, bassiste en jupette / bas) mais c’est comme la morue aux fraises, c’est pas parce qu’on ajoute mille bon trucs qu’on évite d’obtenir une bouillie dégueulasse.

21 h 15 : Ca y est, le groupe entre en scène, salue discrètement le public, le rideau tombe pour révéler un décor de pseudo fête foraine dorée et attaque. Nouveau morceau. Puis encore un nouveau morceau. Logique, le groupe a un album qui doit sortir en début 2012, il est logique de venir le défendre… Mais le concert commence exactement comme je le redoutais : le public, les nouveaux morceaux, il s’en fout. Il est là pour réentendre les tubes de sa jeunesse. De plus, les nouveaux morceaux ne sont pas grandioses. Un peu trop fouillis, encore.  Mais heureusement pour les nostalgiques, Le groupe a une autre actu : la prochaine réédition de ses deux premiers albums (fin du mois). J’avais un peu peur de bouffer trop de Gish et des Siamese Dream et j’avais a moitié raison* Mais cela ne se fera pas sans petit clin d’œil / cadeau pour les fans : on commence par s’enchaîner, après ces deux inédits, donc,  Starla (face B du premier single du groupe – I am One** - et accessoirement chef d’œuvre caché), Geek U.S.A., un Muzzle qui fait plaisir par où il passe (And I knew… the meaning of the world ) puis … Window Paine. Clairement le morceau que je ne m’attendais pas vraiment à entendre.
Et après ce moment de joie n°1, nouveau morceau (enfin, pas inédit, mais un récent : Lightning Strikes, et là, bam, le public se calme. Et ce sera comme ça toute la soirée. Par moments, j’avais limite mal pour le groupe de voir ainsi le public ne pas réagir aux nouveaux titres… Mais d’un autre côté, je me dois d’avouer que les nouveaux titres ne valent pas tous qu’on s’enflamme, loin de là. Et le rythme de la soirée est ainsi donné : 2/3 vieux morceaux qui enflamment la salle suivis de 2 morceaux récents qui plombent tout. En toute logique, c’est pourquoi le concert ne fut pas dantesque, mais plein de bon moments et de bons morceaux. Par exemple, juste alors que l’ambiance est calmée par ce morceau récent (que j’ai l’impression que personne, mais personne connait dans l’assistance…), voilà, tout s’enflamme à nouveau sur Siva / Soma… Puis nouveau morceau… Puis nouvelle plongée dans Pisces Iscariot (Frail & Bedazzled). L’indispensable Silverfuck  - moi qui ne suis pas le plus grand agité de la fosse, j’en fus pour mes frais, j’ai encore des courbatures deux jours après -histoire de bien mettre le feu avant de te recalmer tout le monde avec des nouveaux morceaux, et longs en plus ! Je ne suis pas tendre avec les nouveaux morceaux, je vous l’accorde. Mais je verrais sur l’album. Je dois admettre que par moments, les basses et la grosse caisse surpuissantes résonnant dans le Zénith me faisaient littéralement mal et que j’étais pas forcément dans le meilleur état pour apprécier.

Quoiqu’il en soit, à partir de là le concert claque un quasi… non, un sans faute, sérieux. Thru the Eyes of Ruby (The night has come… to hold us young…), qui dégénère en I am one, pour rouvrir sur Cherub Rock fut véritablement le meilleur moment du concert – et peut-être le plus éprouvant physiquement. Derrière ça, les nouveautés sont rafraichissantes : Owata (déjà connue) et My Love is Winter (à venir) sont deux morceaux mignons et plein d’entrain qui ne sont pas sans rappeler Zwan et sont idéales pour reprendre son souffle, se laissant écouter sans déplaisir aucun. Et le set de s’achever sur (enfin !) un morceau de Adore, le déchirant For Martha – qui ne fut pas si déchirant que cela bizarrement, et tint plutôt de salut cordial et émouvant au public.

 Portrait du critique en fan.
A ce moment… On sait que le groupe reviendra (logique de Setlist : trop de tubes manquent) mais on réalise aussi qu’on a eu droit à deux belles heures de concert. Fatigué,  peut-être pas heureux non plus, mais quand même très content, clairement (surtout que ce concert m’a permis de redécouvrir des morceaux dont j’avais oublié qu’ils étaient si bons…).
Et le groupe de revenir pour le rappel peut-être le plus téléphoné de l’histoire, mais peut-être aussi le meilleur que j’aie vu. Après avoir discuté un peu avec le public ( pour la première fois du concert : Corgan donne beaucoup pendant les morceau, mais entre, juste quelques mercis.), expliquant : «  When I came into this showroom earlier today, I realised that I’ve already come in this place. It was in 1992. But, I wasn’t playing with the Smashing Pumpkins, I was in the audiance, over there, and I came to see play The Rita Mitsouko. Do you know the Rita Mitsouko? Tiny Woman. Tiny, tiny, but noisy woman. Was great .»
Et le rappel d’éclater, Zero puis Bullet with Butterflies Wings. Et bye – bye. Lights on. Bien sur, oj’ai un pincement au cœur en pensant aux chansons qui n’ont pas été jouées (Today, Tonight, tonight, 1979…) mais d’un autre côté, je suis pleinement repu, et content. Pas le meilleur concert de ma vie (par contre, pour ma sœur, je sais pas), mais assurément, je me sens bien, car je viens de boucler une boucle, et de régler un compte avec moi-même : moi à 16 ans ne peut plus me reprocher de ne pas avoir tenté plus de convaincre mes parents de me laisser aller les voir en 2001, de les avoir ratés au Rex en 2007. Et Corgan a toujours une classe et une présence affolantes. Certains passages a cappella sur Silverfuck ou Siva, où le public fermait enfin sa gueule... Voilà un truc où le terme mystique retrouve son sens.
Allez, moi à 16 ans, je t’emmènerais peut-être voir Radiohead en 2012, mais Mc Cartney c’est trop cher. Au pire, on retournera voir les Pumpkins en 2012, si l’album est bon. Mais pour l’instant, profite tout ton saooul de la chance qu’on a eu. C’était bien, hein ?


Setlist: Quasar / Panopticon / Starla / Geek U.S.A. / Muzzle / Window Paine / Lightning Strikes / Soma / Siva / Oceania / Frail and Bedazzled / Silverfuck / Pinwheels / Pale Horse / Thru the Eyes of Ruby / Cherub Rock / Owata / My love is winter / For Martha
Rappel: Zero / Bullet with Butterflies wings


Pour la vidéo, heu, ben, y en a plein sur Youtube... Alors j'ai pris celle ci, parce que vraiment ce fut la claque que je n'attendais pas ce morceau. L'image est pas top, le son est étonnament bon pour une vidéo youtube de concert.




* En fait, il s’avère qu’on a jamais trop de Siamese Dream en fait.
** I am one qui fut, disons.. . une sorte de running gag du concert, Corgan en chantant quelques paroles durant le pont de Siva, puis le groupe en enchainant intro, solo et outro pour finir Thru the Eyes of Ruby (mais ça on y revient)


PS: Nicole F., si tu me lis, tu as atteint la seconde place du "top des bassiste de Guic" en dépassant alégrement D'arcy. Ta tenue de mercredi t'as aidé beaucoup. Le mugshot de D'arcy aussi.

mardi 18 octobre 2011

Esprit adolescent, lithium ou quelque chose dans le chemin... toutes mes excuses, mais ça pue un peu au royaume du Rock

Après deux semaines à ce qu’on nous rappelle à quel point Nirvana fut un grand groupe et Nevermind un grand album… Je dois vous l’avouer, je n’en peux plus. Ca me plombe le moral totalement. Ce qui est normal, cela dit, on parle tout de même de Nirvana… Dont il faudrait, peut-être enfin, remettre en question les conséquences néfastes.


Houlà, houlà, stop, je m’engage dans un chemin dangereux – Nirvana faisant partie de ces groupes qui ont changé des vies et modelé des destinées, je ne voudrais blesser personne (et cela, je le pense sincèrement) c’est pourquoi, afin de ne pas être accusé de crime de lèse-macchabée alors que j’ai tapé à peine cinq lignes, il me semble indispensable de préciser quelques points.

Parenthèse – Préambule :

  1. Cet article ne se veut en rien une critique négative de l’œuvre musicale de Nirvana. Pour ceux qu’un tel article intéresserait, je vous invite à aller lorgner là
  2. Cet article ne se veut en aucun être un manifeste de révisionnisme musicale visant à minimiser l’importance qu’a pu avoir le trio d’Aberdeen entre fin 1991 et début 1995.
  3. Cet article adopte l’hypothèse selon laquelle la mort de Kurt Cobain n’est aucunement au centre d’un complot d’Etat. (Comprendre par  là : de l’Etat de Washington)
  4. Cet article ne se veut en aucun cas une chronique au sujet de la réédition – remasterisation de l’album au centre de tous les débats ces derniers temps.


-          Rha, encore Nirvana… Commencent à faire chier avec la réédition de Nevermind.

-          Ben tu voudrais entendre parler de quoi à la place ? L’affaire Karachi ? Les primaires socialistes ? La défaite face aux Tonga ?1

-          Non, je sais pas… Les rééditions de Pink Floyd ? Non, même, plus osé encore : entendre parler d’un groupe qui était encore en activité il y a moins de 15 ans, tiens, voilà qui serait audacieux.

-          Mais merde, d’un autre côté, tu devrais te réjouir d’entendre du Nirvana à la radio, toi qui rale tout le temps que tu supportes pas ce qui passe…

-          Youpi, entendre Come as you are version unplugged pour la six millième fois de ma vie…

-          Mais merde, t’aimes bien Nirvana pourtant.

-          Leur musique, oui. C’est plutôt le mythe qui me gonfle.

-          Attends, ils le méritent le mythe… C’était un groupe super important, et puis voilà, quoi, Cobain, le « club des 27 », bon, ok, ils nous ont gonflé avec leur club ces derniers temps mais bon…

-          Surtout que Cobain, lui-même, déjà, a rien à y foutre.

-          De quoi ?

-          Ben oui. Le club des 27, ils sont 4 dedans, ils resteront pour toujours 4. Tu peux pas chercher des concepts symboliques et en faire n’importe quoi derrière,  bordel. Ils sont 4 (Jones, Hendrix, Joplin, Morrison), morts d’overdose ou assimilé, en l’espace de 2 ans exactement, marquant ainsi la fin du rêve hippie et délimitant par la même ses limites (et rappelant les limites du corps humain, aussi, un peu.) Tout le monde sait ça, tout le monde s’accorde là-dessus. Cobain, lui, tous 27 ans qu’il ait pu avoir lors de son décès, sa mort n’a jamais marqué que la fin de son groupe. Celle du Grunge, de façon toute symbolique (celle de l’engouement mondial pour le grunge, en fait), et surtout, et j’ai presque l’impression que tout le monde l’a oublié : il a choisi de mourir. Alors le concept de malédiction rock n’ roll dans de telles circonstances, très peu pour moi.

-          OK, bon, pas sur ce point « mythologique », mais tu peux pas nier que Nirvana ça a été un groupe super important dans l’histoire du rock.

-          Oui. Bien sur. Genre de dernier sursaut avant l’agonie tu vas me dire ?

-          Si tu veux…

-          Mais bizarrement, ce qui m’intrigue c’est que j’ai vachement l’impression que Nirvana, au contraire, c’est le début de l’agonie… Déjà, au niveau même du Grunge, ils ont un côté « arbre qui cache la forêt… » Je sais pas, J’ai un mal fou à retrouver un autre mouvement du rock où un groupe a à ce point vampirisé l’attention des gens.Certes, des groupes comme les Beatles, les Pistols, ont parfois été plus en avant que les autres, mais tu avais toujours un pendant direct, et quelques groupes derrière, pas forcément anecdotiques d’ailleurs, mais là, et en particulier en dehors des frontières ricaines, Pearl Jam, Alice in Chains ou Mudhoney… J’ai souvent l’impression que c’est rétroactivement qu’on les a redécouverts et estimés à leur juste valeur. Et pour moi, Nirvana brouille l’équation pour plusieurs raisons : ça a été le groupe le plus mis en avant, sans non plus être vraiment le plus représentatif, et avec, en plus de ça, un héritage discutable…Parce que si tu regardes en arrière, tu réalise que chaque mouvement  adirectement influencé celui qui a atteint son pic  dans les .. 5 ans qui suivent. Avec Nirvana, rien de cela (à moins que tu viennes me dire que l’héritage de Nirvana c’est… le néo-métal.), voire pire : 5 ans plus tard, le rock est cliniquement mort, et l’album de l’année de Rock & Folk est un album des Chemical Brothers.

-          Tu peux pas non plus les accuser d’un vieillissement qui était logique, et puis, il a bien retrouvé des couleurs derrière, le rock… même dans l’après direct : Oasis, Radiohead… Ouais, ils sont anglais, mais bon…

-          Ouais, mais tous ces groupes, et c’est une évidence concernant Oasis, mais aussi, plus tardivement, les Libertines, White Stripes ou Strokes on été fouiller dans un héritage beaucoup plus ancien, dans les 60’s / 70’s… Des fois, j’ai l’impression que Nirvana ça a été pour beaucoup de groupe le déclic qui leur a donné envie de faire de la musique, mais que c’est pas un groupe qui les a inspirés plus que ça… C’est logique cela dit, le Grunge était un tel cuumul d’influecnes des générations précédentes, que derrière, il est extrêment difficile de s’inspirer sans tomber dans le pastiche, qu’on appellera Nickelback. Alors ils ont tous été plus ou moins obligés de diluer le bouillon, et de repartir de plus haut, en se focalisant sur un truc parmi la foultitude d’influences. Enfin bon, je sais pas trop, je me paume un peu dans mon propre raisonnement pour tout dire…

-          Mais donc, au final, tu leur reproches quoi ?

-          Je leur reproche un truc un peu con… Et assez égoïste. Je leur reproche d’avoir faussé la notion de « Rock, musique de l’adolescence ». Comprends-moi : je suis fan d’Oasis, des Libertines, des Smashing Pumpkins. Quand tu te retrouves dans une sorte de joute orale avec des fans de Rock, il est assez fréquent, en particulier au sujet des groupes pré-cités que tu te prennes dans la gueule un « ouais, t’aimes bien parce que ça te rappelle ton adolescence ». Ce qui est, finalement, l’argument le plus con de l’histoire. Surtout venant de gens qui vont te parler de vieux rock (Elvis, Sex Pistols, peu importe) comme portant en soi « les frustrations / la rage / la vigueur de l’adolescence » Comme si au final, le fait d’avoir eu l’âge idéal pour être touché par telle ou telle musique quand je l’ai découverte me dédouanait d’avoir à trouver des raisons objectives à leur qualité, certes, mais aussi me privait de tout sens commun, et m’interdisait par conséquent d’avoir une appréciation esthétique du truc
 .
-          Ouais, mais… Qu’est-ce que Nirvana a à foutre dans cette histoire ?




...Ou Julien Doré. Cette citation est tellement con que ca peut être n'importe qui.



-          Ben… je pense que Nirvana a joué un rôle énorme dans la définition de l’adolescence Rock n’ Roll… pour ceux qui étaient ados à l’époque, ou qui ne l’étaient déjà plus, mais qui ont aimé ce groupe au moment ou il existait encore. Le Rock n’Roll en quelque sorte, c’est la musique des rêves. C’est pour cela que c’est un truc très américain (le Rock n’ Roll – les anglais sont plus de fabuleux popeux), avec ce côté « quand on veut, on peut », un peu couillu,  tout ça, tu vois. S’il a cristallisé tous les espoirs d’une jeunesse en révolte contre ses parents, c’est que le Rock n’ Roll célébrait le fait de se taper des gonzesses et de conduire de belles bagnoles, pas parce qu’il te parlait de conflit de génération et du drame qu’était la guerre de Corée – m’emmerde pas sur la chronologie, c’est un exemple. L’adolescence c’est le moment des grands élans charismatiques, le moment ou tu te passionnes pour de grandes choses, idées, livres, philo, c’est le moment ou tu vois le monde comme un tout dont tu fais partie, pas encore comme le truc qui t’entoure et te fais chier, et ce, alors que tu dépends à près de 200 % de tes parents. Tu as envie de faire la révolution, mais à 20 h tu es rentré à la maison parce que c’est l’heure du diner. Voilà, en gros, le grand paradoxe de l’adolescence. Alors quand le Rock n’ Roll arrive et te parle de liberté, de grands espaces et de filles faciles, tu signes des deux mains, même si en fait tu vas écouter ça enfermé dans ta chambre parce que t’as pas eu le droit d’aller au concert. C’est ça la beauté du Rock n’ Roll : dans cette période où tu n’es pas encore résigné à la vie que tu vas te trainer derrière, dans cet instant où tu t’imagines que les choses changeront en mieux, c’est le catalyseur de tes rêves, c’est tout simplement ton dealer d’espoir. Evidement, c’est un rideau de fumée, la vie n’est jamais aussi géniale que celle que te vendent les rockstars – même pour les rockstars. Mais voilà, le Rock, c’est l’espoir de sortir un jour de ta chambre pour voir autre chose. Nirvana, c’est l’art de chanter à quel point on se fait chier dans sa chambre… et c’est tout.

-          Ouais mais bon, les punks aussi ils chantaient plus ou moins sur ce sujet là… Comment c’est chiant de vivre dans une banlieue pourrie en période de chômage…

-          Sauf que l’espoir était encore vif : « I don’t know what I want, but I know how to get it ». Et puis, il y a une rage, une volonté que ça change.  Chez les Smiths, c’est un peu pareil, mais il reste une sorte de volonté de lutter contre, via le sarcasme. Chez Nirvana, non, juste l’état de fait, sans espoir, ni rien. Tout le monde se réjouit que l’arrivée de Nirvana ait mis fin à une hégémonie du Hard FM sur le Rock à la fin des années 80 (et encore… en dehors des US, pas sur que ça avait tellement de succès par rapport à U2 par exemple)… Mais au moins, ça, c’était ce genre de vrai Rock n’ roll, un truc totalement fantasmatique qui te parle de belles bagnoles, de gonzesses, de seaux de coke, le rock n’ roll 50’s avec l’overdrive poussé à 11. Et le public de se taper des grosses doses de Bovarysme Rock n’ Roll. Et d’un coup, le nouveau Rock n’  Roll, c’est un mec qui te ressemble (et s’il ne te ressemble pas, c’est toi qui va bientôt chercher à lui ressembler), qui te raconte à quel point sa vie daube comme la tienne, à quel point il la déteste et comment elle lui parait sans issue. D’ailleurs, s’il y a un point que je veux reconnaître comme réussi  c’est bien le nom du groupe. Nirvana. Tout le monde y voit le côté « paradisiaque » indien, le côté orgasme cosmique, alors que techniquement (enfin, théologiquement), le Nirvana c’est ce que tu atteins quand tu as abandonné tous tes désuirs. Nir-vana, ça veut dire « non – désir ». Et Nirvana c’est ça : tout est à chier, et je ne veux rien, je ne veux même pas imaginer qu’il puisse y avoir mieux. La résignation dans toute sa splendeur. C’est quand même atrocement triste, merde. Alors pourquoi pas, mais qu’on ne vienne pas me dire que c’est le Rock ça. Centrer l’intégralité de son œuvre sur ses névroses et les exposer au grand public pour en faire de la musique, c’est un truc de progueux ça. Et encore, ça resterait comme ça un cas isolé… Mais non, ça a eu des conséquences inattendues : je sais pas pourquoi, malgré 40 ans d’histoire derrière, les gens se sont mis à croire que c’était ça  1. Le Rock, 2. L’adolescence, 3. La sincérité. D’ailleurs, ça, pour moi, c’est le top de la crétinerie dans cette histoire… Mais depuis quand on réclame aux artistes d’être sincères ? Talentueux, innovateurs, doués, intéressants, oui, mais sincères ? Qu’est-ce qu’on s’en fout ? Bowie il était sincère quand il se déguisait en Ziggy Stardust ? Est-ce que c’était important ? Non, et non. La sincérité, c’est un truc qu’on invoque pour justifier le fait d’aimer un artiste dépourvu de talent, pas une norme objective qu’on exhibe pour démontrer que machin est doué. Même moi je peux être sincère, pourtant, je suis un piètre chanteur. Bref. Tu vois.

-          En fait… Non. Je comprends qu’il y a un truc qui te défrise, mais tu t’exprimes comme une merde.

-          Bon, autant résumer : Ce que je reproche à Nirvana, c’est qu’après eux, il a été considéré comme étant la norme que le Rock n’ Roll c’est l’endroit où doivent s’exprimer les gens qui souffrent, que la seule façon d’être pris au sérieux par les amateurs du genre, c’est de geindre sur des arpèges de guitare et de s’y complaire. Et c’est même pas vraiment la faute au mouvement Grunge, parce que chez Pearl Jam par exemple, tu trouves quand même cet élément  épique et cette volonté d’aller de l’avant  totalement absente, au final, de la pop des années 90. Alors que pour moi, je sais pas, le goût du fun, et même la volonté de réussir et de faire carrière ne sont pas rédhibitoire. Le premier Oasis, avec son « Rock n’ Roll star », c’est arrogant, fouteur de merde, teigneux, et tout le monde accuse les Gallagher d’être des poseurs, mais non, putain, ça c’est de la sincérité. « On sort un disque, parce qu’on veut bouffer le monde et devenir des putains de rockstars »: There's no easy way out... mais je vais le trouver ce putain de chemin.  J’ai jamais compris le côté « je signe sur une major mais je supporte pas le succès » de Cobain. Ca, ça me dépasse. Bref, ça me saoule que depuis 1990 le rock se doive d’être, pour gagner ses galons auprès des critiques autoproclamés, un truc déprimant, un concours d’exhibition de traumatismes, qu’on adule les « albums de la maturité », qu’on ne pardonne pas l’arrogance pour préférer encenser des autistes et des névrosés. J’en ai marre qu’on me dise qu’un disque est beau parce qu’il est déprimant – je sais, ça m’arrive de le faire, mais bon-  ténébreux ou quoi ou qu’est-ce. Au final, je me dis que tous les Oasis, Libertines, Miles Kane, Arctic Monkeys, ils peuvent bien se planter parfois, eux, au moins, ils ont tenté, à un moment, de faire revivre la flamme du rock n’ roll. Et rien que pour cela, même leurs mauvais disques me font plaisir. Tu vois ce que je veux dire ?

-          Yeah, yeah.








1 Oui, la rédaction de cet article a commencé il y a trois semaines.

PS: Il est autre chose à mettre au crédit de Nirvana (et que je n'ai pas pris le temps de présenter dans l'article, désolé): le fait d'avoir intitulé une de leurs chansons "Lithium". Le Lithium est un élément (symbole: Li) qui dans mon esprit correspond parfaitement à l'état d'esprit adolescent: c'est un métal, maléable, qui devient rigide lorsqu'il se corrode, et qui s'enflamme au contacte de l'eau et peut attaquer le verre. Seul problème: Nirvana n'a appelé sa chanson comme ça que parce que le lithium est aussi un antidépresseur.

dimanche 1 mai 2011

17. Smashing Pumpkins

  
https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgU7a6mlQLXty5_X7in9XOHEXdHLIjlNLYGJ6Z_QMK_aedPapP9BNCAXBKGwaVU5WjivIV_-0Xeq0ozlSDnLMafaSNtfTMBmv4dO1uJmHerDn0OVuSt5XNSjJV5djBrhmLQnTtEkg2OYjk/s400/smashing-pumpkins-01.jpgRespirer un grand coup et se dire que non, ce n'est pas important, parce que de toutes façons cela ne restera pas gravé dans le marbre. Ne pas oublier que de toutes façons, les Pumpkins n'intéressent plus forcément grand monde. Que les gens ne liront pas un article aussi long, aussi. Assumer que ce groupe a tellement d'importance pour toi que, finalement, tu vas peut-être te livrer un peu trop dans ce ridicule top.
Mais cela n'est pas grave. Ton top sera peut-être différent demain, seul toi le sais, cet article ne changera rien dans ta vie. Aucun de tes articles précédents n'a jamais rien changé à ton existence, que pourrait changer celui-ci?

Envisager de fermer les commentaires, histoire de pouvoir révéler mes cicatrices et la noirceur de mes rêves dans le silence, noircir la page blanche sans que quelqu’un vienne, comme à l’habitude, pinailler sur un détail ou lancer un fabuleux hors sujet. Mais s’obstiner à les rouvrir, en toute connaissance de cause, en sachant que c’est ce genre d’article à la limite du trop personnel qui fait que tu écris.

Seulement te préparer et espérer. Te préparer à répondre "Je vous emmerde, c'est mon groupe préféré, si j'explose pas les quotas sur celui-ci sur qui je vais le faire?!" à ceux qui vont te reprocher de mettre plus de 5 titres dans ton top 5. Espérer que Xavier, ton comparse sur ce coup là va choisir des titres un peu différents des tiens, parce que même si tu te limitais à 20, tu trouverais qu'il en manque.

C'est parti.

Today

J'ai longtemps été un énoooorme loser avec les filles. Ce n'est un scoop pour personne, et de toutes façons on appelle ça l'adolescence. Un jour pas fait comme un autre, j'avais échangé, lors d’un samedi après-midi, un baiser avec cette fille, qui me plaisait vraiment. Pour la première fois sûrement s'ouvrait à moi la perspective d'une histoire avec une fille qui me plaisait vraiment, pas quelques semaines de relation piteuse avec une fille dont la seule qualité était de bien vouloir de moi. J'étais jeune, disons que j'avais quoi, 16 ou 17 ans. J'avais acheté peu avant "Siamese Dream", en l'occurrence le premier album de mon groupe préféré que j'aie possédé "en vrai", c'est-à-dire pas gravé ni copié sur cassette (cette sorte de piratage 1.0).
En cette fin d'après-midi là, lançant cet album qui me décevait quand même pas mal sur la platine, au hasard du sélecteur 3 CD de ma première mini-chaîne, je me posais sur mon lit en repensant à ces instants délicieux passés en sa compagnie. Puis, d'un coup (tous les fans des Pumpkins savent à quoi je vais en venir): "Today is the greatest day I've ever known, can't live for tomorrow, tomorrow's much too long".
Cet arpège délicat d'intro, cette explosion, et, à ne surtout pas négliger, ce solo heureux (rareté!) qui explose aux 2/3 du morceau…
Autant l'avouer, même aujourd'hui, à chaque début d'histoire sentimentale, je m'écoute ce morceau en rêvassant. Même si, depuis, j'ai appris qu'en fait il parlait de suicide. Mais à moi, il ne m'en parlera jamais.



(Et accessoirement, le hasard fait que cet album qui me déplaisait à l’époque est certainement celui que j’écoute le plus souvent à l’heure actuelle. Sans lien avec le paragraphe précédent, juste que j’ai redécouvert à quel point il était bien)

Tonight, tonight

Après today, tonight. Voilà ce que j'appelle faire preuve d'une belle originalité. Mais bon. Le fait est que si j'ai commencé à adorer les Pumpkins, moi qui à l'époque écoutait Slipknot, ce fut via le biais de "Bullet with Butterflies wings". Et si ce titre reste une grande chanson, c'est cependant à "tonight, tonight" que je dois d'être finalement passé à autre chose que les Pumpkins derrière. Car il est des choses qu'on ne peut nier: en l'état, j'aurais tout à fait pu ne jamais m'intéresser à la musique. C'était même l'hypothèse la plus probable venant de moi qui me passionnais pour un truc différent tous les six mois. J'aurais très bien pu me passionner pour ce groupe, puis en rester là, ne pas chercher à creuser (ce qui, je dois l'admettre, aurait eu d'importe conséquences sur le reste de mon existence).
Mais si Tonight, tonight est certainement LE morceau le plus important que j'aie rencontré dans mon existence, c'est surtout à cause de sa richesse. Les cavalcades de batterie, les arrangements de cordes, les arpèges sur les couplets et accords sur le refrain, le romantisme échevelé et un peu niais, les aphorismes à deux sous qui, bien accompagnés, donnent un fol espoir en l'avenir comme en l'instant présent (ici: "The impossible is possible tonight"), ce mélange perturbant de nostalgie et d'espoir au sein du même texte, ce texte, bordel, ce texte si mystérieux que plus de dix ans (mon Dieu, déjà!) après avoir découvert cette chanson, je ne sais toujours pas vraiment s'il parle d'une histoire sentimentale nouvelle, d'une rupture ou d'un suicide (encore!)! Cette chanson dont je ne supporte plus la production à l'heure actuelle mais qui m'a tant fait rêver, et surtout sourire, moi le râleur, moi l'introverti déprimé en permanence, le complexé fini… Un sourire béat face aux portes de l'avenir, ces portes qui allaient s'ouvrir, à peine un an plus tard,sur Radiohead, les Beatles puis tant d'autres, tous ces sentiments et ces instants volés à des disques  qui tracent désormais le parcours de ces 10 dernières années le long des murs de mon salon. Une chanson, une seule, peut changer votre vie. Moi, c'est celle-ci, et c'est pourquoi je serais à jamais redevable à Billy Corgan. Merci.




Bodies

A l'heure actuelle encore, ce morceau reste un mystère pour moi – ce qui ne m'empêche pas, bien évidement, de l'adorer. Il est fabuleusement heavy, pesant, agressif mais sans être violent. C'est peut-être le meilleur morceau écrit par le groupe. Il y a tant dans ce titre… La voix, plus acérée que jamais, aigrelette, pas toujours facile à digérer. La batterie, évidement, toujours chez les Pumpkins, toute syncopée, ces parties de batteries qui ne ressemblent qu'à un enchaînement de breaks, truc parfois lassant, mais souvent proprement fascinant. Les guitares. Ces guitares fabuleuses, qui tournent, tournent, tournent, une accord tellement répété qu'il en finit par tourner, au sein d'un enchainement d'accords qui donne aussi cette impression de rotative – la rotative, la machine, hein, ce côté ultra heavy limite indus – qui au final dessine une sorte de fractale sonore, toujours au bord de l'éclatement, on ne sait jamais trop ce qu'on voit réellement, ce qui fait que chaque écoute est différente de la précédente. C'est le premier morceau que j'ai cherché à analyser, disséquer, de toute mon existence, car c'était pour moi un grand mystère: comment peut techniquement réaliser un truc qui sonne comme ça? Je vous parle là d'une époque aujourd'hui lointaine, où il ne me serait jamais venu à l'esprit de prendre en compte des trucs tels que la production du morceau- concept qui m'échappait alors totalement, enfin, disons plus encore qu'aujourd'hui.
Accessoirement, ce genre de morceau offre un texte fabuleux pour l'ado que j'étais, à savoir du genre à vénérer les Fleurs du Mal et capable d'en retenir certains passages par cœur  mais les lisant de façon totalement premier degré: ouaouh, c'est romantique, déprimant et glauque, trop cool. Alors "All my blisters now revealed in the darkness of my dreams", ou le tout simple refrain "Love is Suicide", s'avérait être le parfait réceptacle de mes névroses.
Et ce morceau reste le premier jalon que j'aie posé de ma "théorie de l'énergie musicale", cette idée selon laquelle, des fois, j'ai l'impression que toute l'énergie et l'électricité déployées dans un morceau se fraye un chemin depuis mes oreilles vers mes organes vitaux, pour leur redonner une force, une pêche qui en était absentes 3 minutes plus tôt: le cœur s'emplit d'espoir et de joie, les jambes marchent plus vite… Par contre le cerveau est totalement déconnecté, entièrement focalisé sur la chanson diffusée.





Sinon, je réalise que le hasard m'a fait placer dans ce top… Les deux plages 2 de Mellon Collie. J'ai toujours aimé ce chiffre, certes, mais c'est pas fait exprès.


To Sheila

Il me parait fondamentalement saugrenu que d'extraire une chanson d'Adore. Pourtant il fallait bien le faire apparaître ici d'une façon ou d'une autre, et jouer la carte de l'album "entier" était de la lâcheté pure et simple. Puis j'ai pensé à garder "Pug", ou "For Martha", ou "Shame".
Puis je me suis rappelé. On vient de rentrer chez moi, elle m'a accompagné faire les disquaires alors qu'elle ne partage pas vraiment la même passion pour la musique que moi. Je viens d'acheter Adore en vinyle, même si je l'ai déjà en CD.
Occasionnellement, par-devers moi, je déplore un peu (pas beaucoup, hein, juste un peu), le fait de n'arriver à lui associer aucune chanson. Je l'aime, hein, là n'est pas le problème, mais moi qui ai tendance à associer en permanence des chansons aux gens, et plus particulièrement aux filles que j'ai fréquenté – ou pas, celles qui m'ont éconduit ont elle aussi leur chanson attitrée – histoire de ne plus jamais l'écouter derrière, ça me rend un brin triste que de ne pas avoir de chanson qui me fasse penser à elle, qui fasse surgir son image dès que j'en entend trois notes.
Nous rentrons chez moi, et, évidement, comme à chaque retour de disquaire, je m'assois par terre, juste à côté de la platine, et commence à m'échiner pour ouvrir ce putain de blister. D'ailleurs, sans faire exprès, je corne le coin supérieur droit de la pochette. Elle est assise dans le canapé avec le thé qu'elle vient de préparer pour nous deux quand j'arrive enfin à placer le diamant sur le disque enfin libéré.
Je la rejoins sur le canapé, le morceau s'écoule… Ava Adore commence à peine, quand:
"- Tu veux bien la remettre s'il te plait?
- Non, mais elle est vachement bien celle-là aussi, tu vas voir.
- Oui, sûrement, mais celle d'avant, je sais pas, elle m'apaise… Quand je l'entends, d'un coup, je me sens bien, je sais pas, c'est bizarre."
Et alors que je me levais pour replacer le saphir au début du sillon, je réalisai que la réponse était là, sous mes yeux mais pas mes oreilles. La chanson d'ouverture de mon album préféré de tous les temps, celui que j'ai tant écouté par le passé au point de ne plus avoir besoin de le faire, tant je le connais par cœur, tant j'ai l'impression de l'avoir entièrement digéré: "je l'aime, mais ne l'écoute jamais", peu de disques répondent aussi bien à cette expression à mes yeux. C'était elle la chanson associée. C'était… la première chanson que je lui aie fait écouter à partir du moment ou nous avons commencé à nous fréquenter.
Et après des années à faire découvrir cet album à tous les gens que je connais pour en récolter toujours le même "c'est super beau mais vachement déprimant" – quand j'ai la chance d'éviter une remarque sur la voix nasillarde du chanteur… Cette simple demande, ce "tu veux bien la remettre s'il te plaît?" résonne encore à mes oreilles comme la plus tendre des déclarations.





Remarque:  En l'état actuel des choses, elle est la seule personne a jamais s'être ainsi  retrouvée associée à jamais à un titre des Pumpkins.

I of the Mourning

Je n'ai jamais vraiment aimé "Machina". Il y a certainement dedans quelque chose de trop adulte, de trop abouti pour avoir saisi l'ado en moi qui a découvert cet album. Mais ce fut durant longtemps le dernier album qu'a publié le groupe, et donc il m'a fallu faire avec.  Et pire encore… Nous sommes en Avril 2001 je crois, quelque chose comme ça. Alors que j'écoute la radio, j'apprends que ma station fétiche de l'époque diffuse, pendant les vacances, le soir, quelques lives des groupes passés à Paris ces derniers temps. C'est ainsi que je vais enregistrer puis faire tourner en boucle jusqu'à plus soif le dernier live français des Smashing Pumpkins, à Bercy le 19 Octobre 2000. Bien entendu, c'est un concert un peu particulier pour une tournée un peu particulière. Corgan a toujours eu une tendresse spéciale pour son public français, et sur cette tournée, promouvant le dernier effort du groupe mais également tournée d'adieu (le groupe avait déjà annoncé sa séparation à la fin de la tournée au moment de cette date française), la setlist oscille entre best of du passé et défense du dernier album.
En dépit des efforts déployés sur ce live pour soutenir les derniers morceaux (et pas mal de Machina II, aussi), certains ne me convaincront jamais vraiment (Glass & the Ghost Children, par exemple).
Chaque fois que je réécoute ce live dans mon petit walkman Panasonic à détection de blancs entre les morceaux – ce qui est parfaitement vain sur un live capté à la radio - j'ai tendance à zapper les morceaux de Machina… Sauf que, au moment du rappel, le groupe joue I of the Mourning
, entre Porcelina of the vast oceans et la présentation des membres du groupe (juste avant de clore sur 1979). Et la fin de ce morceau est tout simplement dantesque. "Radio, Radio, Radio, Radio"…. La folie soudaine qui s'empare de ce morceau, qui devient soudain tout en tensions – explosions, Corgan susurrant dans son micro pour mieux se remettre à hurler à la prochaine détonation de la caisse claire, ces soli que je n'ai, bizarrement, rencontrés que chez ce groupe (bon, oui, chez Zwan aussi), il y a là-dedans une charge émotionnelle fascinante pour moi, qui, à ce moment là, sait que je ne verrais jamais cela sur scène, moi qui réécoute ce live comme le dernier message que me laisse un ami disparu, qui m'a accompagné durant les moments les plus difficiles comme les plus réjouissants, et qui sera présenté, ce soir là, juste après ce morceau, comme "Guillaume Patrick Corgan".




(Du coup je vous colle une version live)


On ne saurait cependant, en rester là. Ajoutons une face B.

Believe

C'est une face B de… Mellon Collie, évidement (face B de 1979, je crois). Et c'est James Iha qui chante. C'est, chronologiquement, le dernier morceau qui ait trouvé sa place dans ce top 5 (qui va être bien plus que 5 au final…), en ce sens que c'est le dernier dont j'ai réalisé la valeur. Au départ, je n'étais pas fan des titres chantés par Iha (ils ne sont pas nombreux, pourtant: Take Me Down, Farewell & Goodnight doivent être les deux seules sur l'ensemble des albums où il ne se limite pas aux chœurs…)
J'étais stagiaire, à Lyon, je vivais en colloc' avec une hippie qui me forçait à manger bio et à utiliser des détergents qui n'attaquaient pas l'environnement… Et de par ma condition de stagiaire présent pour quelques mois, je tenais à ce que ma vie tienne dans un sac à dos, histoire de pas avoir de problème quand serait venu le moment de faire mes valises. Evidemment, avec mon indemnité de stage, je ne faisais pas de folies discomanes – surtout qu'à l'époque, je n'avais pas rencontré le disquaire lyonnais qui serait la némésis de mon portefeuille – et m'était replongé aussi ardemment que par défaut dans les quelques disques de ma jeunesse qui étaient restés chez mes parents, et que j'avais descendu. Parmi lesquels, ce disque gravé par un pote de lycée qui avait acheté le Greatest Hits des Pumpkins juste pour le CD bonus, celui avec les inédits, le "Judas 0". Comme à cette époque (celle de la sortie de Judas 0) Internet  n'était pour moi qu'un concept vaguement familier, mais aucunement une application de tous les jours, l'accès à l'info concernant la discographie du groupe m'était assez difficile. Bref, tout ça pour dire que la phrase d'ouverture de ce paragraphe, j'aurais bien été en peine de l'écrire à l'époque, et que donc, Judas 0, j'avais pas la moindre idée de l'origine des morceaux qu'on y trouvait.
C'est une conversation, des années et des années plus tard – donc à l'époque ou j'étais à Lyon -  avec l'ami Thomas qui m'a fait découvrir l'origine de ces morceaux. Le soir même, je remettais ce disque dans la platine pour la première fois depuis des années. Et là, d'un coup, je me suis pris cette chanson en pleine gueule. Les petites montées de violon, les arpèges, la délicatesse de la voix de James Iha, et ces paroles, aussi tendres que niaises… Cette chanson est fabuleuse, non seulement parce qu'elle est bien, mais aussi – surtout – parce que, par sa vision "mignonne" de l'amour, elle est un cas à part, presque unique, dans l'œuvre des Pumpkins.





Et le truc un peu à part : Honestly, de Zwan

Je réalise que je n’ai pas encore vraiment évoqué la voix de Billy Corgan de front. C’est une voix qu’on dit particulière quand on est poli, assez atroce et nasillarde quand on est sincère. Mais c’est aussi ce qui fait la pleine particularité de ce groupe, et fait partie intégrante de mon amour et de mon goût pour cette œuvre.
C’est pourquoi, dans le flottement qui a suivi la séparation du groupe et précédé sa reformation, j’ai eu l’occasion que, plus encore que la musique des Pumpkins, ce fut la voix de Corgan qui m’a manqué. Cette voix qui était devenue familière, dont je réécoutais ce qu’elle m’avait déjà dit mille fois, mais dont, finalement, je n’espérais que de nouveaux mots, de nouvelles mélodies.
Alors… alors la première fois que j’ai entendu ce titre, qui était le premier single de Zwan, imaginez l’émotion pour moi. Je passerai sur le fait que cet album est mécompris, qu’il a souffert de n’être pas empli de souffrance, et conseillerai juste d’y jeter une oreille neuve, de profiter de ce versant positif de la musique de Corgan. Depuis, le « miracle » des retrouvailles s’est reproduit plusieurs fois, et à chaque fois, réentendre cette voix, c’est quelque chose de tellement émouvant que ça me prive un peu de mon sens du jugement (quand j’ai écooutéé Zeitgeist, je pleurais presque de joie et d’émotion à la plage 5. Bon, les choses se gâtent à partir de la 7, malheureusement.)
Mais bon. Aucune de ces retrouvailles n’aura jamais la puissance de celles-ci, de celles faite via ce morceau, sa mélodie enjouée, son côté bluette et son solo – oui – queenien que j’adore 



(En fait ils passaient leur vie chez Letterman)

Le pire, arrivé ici à la sixième page de texte, c'est que je garde l'impression de ne pas avoir su faire passer le tiers des raisons qui font mon attachement à ce groupe. Mais disons que j'espère au moins vous en avoir donné une bonne idée..


Allez, finissons de parler du groupe qui a changé ma vie avec quelques titres en plus que je suis obligé d’évoquer :

Le top 5 alternatif : même logique, mais en évitant les morceaux précédents.

Cherub Rock
Bullet with Butterflies Wings
By Starlight (pour me faire pardoner d’avoir si longtemps negligee les 4 derniers titres de Mellon Collie)
Blank Page (de préférence une version live circa 1998 pour le solo de guitare fabuleux qu’ils collent sur ce morceau)
The Everlasting Gaze (pour le clip. Je ne détaille pas plus, on risquerai de me prêter des intentions qui ne sont pas les miennes)
Bonus : Tarentula – le morceau qui a scellé les retrouvailles.

Enfin,les 3 morceaux que je ne supporte pas, mais alors pas du tout :
X.Y.U. sur Mellon Collie
A night like this, la reprise – massacre de Cure en face B de Bullet
United States sur Zeitgeist (aka X.Y.U. en plus mauvais)


Allez, maintenant, pour moi, retour à la vie normale (donc à l'écoute de Pisces Iscariot, voir si j'aurais pas pu en sauver un morceau pour ces tops), pour vous, l'heure d'aller voir la sélection de Xavier sur le sujet!

jeudi 31 mars 2011

Musique, Critique, Fanatisme, Onanisme: une superproduction radioheadienne

Voilà. C’est à n’y point croire, mais à peine avais-je mis la clé de ce blog sous la porte que tout s’est enchaîné. Je serais un brin plus parano que je ne le suis déjà que je crierai au complot, au scandale ou que sais-je encore. Alors que « Le Rock critic est un con » devait s’offrir ce qui s’annonçait comme une pause saine et salutaire, tous les éléments se sont ligués pour m’offrir plus de grain à moudre en l’espace de deux mois que je n’aurais pu rêver en récupérer en un an.

Radiohead et PJ Harvey qui sortent de mauvais disques. Les symboles d’une génération qui s’effondrent : les artistes dont on pouvait se gargariser, dans les années 2000, de les suivre depuis 1995 sans essuyer de quolibets qui publient « enfin » leur disque de trop. Un tournant historique dans ma formation musicale, rien moins. Quand le monde s’effondre, les gens se révèlent tels qu’ils sont vraiment, c’est pourquoi lire toutes les critiques disponibles sur ces sujets a quelque chose de fascinant. Qui l’emportera de fanatisme ou du désaveu de ses amours ?

Ce qui m’a le plus marqué reste la réaction des non-fans de Radiohead. Déjà, la première révélation a été de découvrir leur existence, à ce groupuscule. Entendons – nous bien : je comprends qu’on puisse ne pas aimer Radiohead, qu’on puisse trouver ce groupe surestimé. J’ai moi-même de très bons amis qui n’aiment pas Radiohead. Mais qu’il y ait des gens qui haïssent suffisamment ce groupe pour se retrouver à exulter sur le ton du « j’avais bien raison » en découvrant la médiocrité de leur dernier album m’a proprement sidéré, au point de me faire me poser la question : Etais-je un prosélyte trop zélé de ce groupe, avais-je à ce point opprimé ces personnes avec mon goût pour ce groupe pour qu’elles donnent l’impression d’enfin découvrir la liberté d’expression quand sort ce mauvais album, pour qu’elles soient à ce point contre un groupe qui, ces dernières années, est resté parmi les plus discret qui soient, tout de même ?
 Car voyez-vous, prenons un exemple : je n’aime pas U2. Mais c’est parce que j’en ai marre des les entendre partout (RTL, NRJ, TF1, ONU…) à la sortie de chacun de leurs disques, le tout soutenu par une promo démentielle à laquelle il est impossible d’échapper. Mais je me sens libre de dire que c’est à chier, et pas que sous pseudo sur Internet, dans la vraie vie aussi, et en public, même ! Et je n’ai jamais pensé qu’il en était différemment du « quintette d’Oxford »1.

Bref. Je me demandais bien ce qui pouvait pousser à la haine de ce groupe. Et en lisant les critiques diverses et variées… j’ai réalisé à quel point ce n’est pas forcément le groupe qu’il faut détester, ou du moins mépriser tant que ses fans. Qui, explosion du Net oblige, compensent la promo agressive que le groupe ne juge pas utile de faire (c’est fou comme « geek » et « fan de Radiohead » ça va bien ensemble)

Il y a presque un an, j’évoquais avec vous à quel point la passion musicale ne trouve de salut aux yeux des autres que par la « noblesse » de son support. Il n’y a pas grande différence, dans les faits, entre un geek musical et un fan de jeux vidéos. Seulement, la musique est aux yeux de tous plus « noble » que les jeux vidéos, donc c’est moins inquiétant, voire sain que d’entretenir un passion sur ce sujet.

Adapté à la musique, on assiste ici au même paradoxe. Le fan crétin de Radiohead paraîtra toujours moins con, aux yeux du passant moyen, que le fan crétin de Christophe Maé. Mais ça reste tout de même un sacré crétin.
A lire toutes ces critiques décortiquant, analysant, retournant cet album sous tous les angles et coutures, alors qu’il est juste… ben pas génial quoi, j’ai eu l’impression, moi qui me suis désintéressé presque totalement de cet album à la troisième écoute (il fait un bon « fond » pour moi, pas beaucoup plus) d’être un scientologue repenti, un survivant de secte, désespéré de voir ses anciens camarades s’échiner à découvrir un sens, une mystérieuse signification kabbalistique dans un disque qui n’est jamais qu’un disque de pop décharnée habilement rempli d’injections d’électro2, en étant pas forcément choqué de payer 36 € pour un packaging super lourd d’un disque dont ils n’ont même pas entendu un seul titre !!

Et évidement des litres et des litres d’encre ont été déversés en vain sur les pages des blogs, les murs de Facebook est les vestes que la presse s’est empressée de retourner pour qu’on ne voie plus les taches, dans un angoissant gâchis, dans une folie d’onanisme papetier. C’est fou comme lorsqu’il s’agit d’encenser un album vide et décharné, désincarné, le critique ne tarit pas d’adjectif, de superlatifs, et fait de sa critique un summum de pompiérisme et de maniérisme qu’il ferait payer cher à n’importe lequel de ses équivalents musicaux. (Mais pour être totalement honnête, je dois avouer que oui, moi aussi il m’arrive d’ainsi virer dans la « critique prog », mais c’est légitime : on a toujours plus facilement les mots pour aller droit au but quand on n’aime pas. Quand on aime, on ne sait comment le formuler sans que ça sonne con, alors on tourne autour, on en rajoute… Voilà, les gentils hippies prog et les méchant punks, appliqués à la critique de disque.)
Ce n’est pas Christophe Maé qu’ »on déteste : c’est sa surexposition, et le fait que des gens essayent de nous persuader que c’est bien, « Parce que tout le monde le dit ». Autrement, on aurait juste un cordial mépris pour ce personnage

 De la même façon, ce n’est pas Radiohead qu’on déteste mais l’absurdité dont est capable de faire preuve son auditoire persuadé qu’il y a une raison profonde et réfléchie à ce que cet album ne soit pas très intéressant (parmi lesquelles : « c’est la première partie d’un diptyque », ou « c’est une métaphore de l’état actuel de l’industrie du disque » – que j’ai vraiment entendues.), parce que persuadé par son propre fanatisme (qu’ill n’avouera cependant jamais en tant que tel) qu’il y a forcément une raison profonde et réfléchie.


Pendant ce temps là, Thom Yorke doit bien se marrer, dans son bureau à jongler avec son chapeau melon.
En ce qui me concerne, j’aurais tendance à dire que, si la carrière de Radiohead se stoppait après cet album, elle aurait l’allure d’une de mes dissertations de philo de terminale : un album d’intro appliqué mais maladroit, deux albums de thèse, deux d’antithèse, deux de synthèse, et un de conclusion, baclé parce qu’au bout de quatre heures le cul sur une chaise (serait elle au sommet du monde), on a surtout envie de se barrer, plus que de conclure proprement. Mais cette théorie n’engage que moi, évidement. (Merde…. Je serais pas en train de chercher un sens à cet album, moi aussi ?)