vendredi 27 novembre 2015

... And sometimes I just sit and Write

Dieu qu’il est dur de vivre sans musique.



C’est une banalité, je vous l’accorde, mais, d’un, c’est pas la première fois que je vous ouvre un article sur une banalité 1, de deux, c’est pas pour autant que c’est faux, vous le savez bien. Et ce fut le grand drame de mon année 2015 (ça avait bien commencé en 2014, certes). Non pas que je n’ai pas écouté de musique cette année. Mais surtout que je n’avais rien découvert. Ni dans le neuf, ni dans l’ancien. Donc je vivotais sur mes acquis. Craignant le pire. Craignant d’être devenu cette personne qui écoute des trucs découverts entre ses 15 et 25 ans et s’en satisfait. Ravi de ce que je connais, mais craignant d’être perdu pour la cause car largué. Bref, d’être devenu un trentenaire banal. Vous savez, ce cœur de cible de Rock en Seine.





Deux causes se cumulaient pour mener à ça : d’une part, une vie quotidienne heureuse, un goût se développant pour le fait de rester tranquille à la maison le soir ou le week - end, doublée d’une surcharge de travail m’empêchant de trainer aux quatre coins du Net (a fortiori ici).Tout simplement, ce fait de devenir adulte et de préférer refaire le salon et dépenser mon argent dans un canapé digne de ce nom plutôt que d’aller trainer chez le disquaire le samedi et de revenir les bras pleins de bons conseils (ces bons conseils qui m’ont fait découvrir tant de groupes dont je ne prenais déjà pas le temps de vous parler quand je l’avais. Le temps.)


D’autre part, un éreintement dû au dernier mouvement suivi de prêt : toute cette scène garagecalifornienne, dont les porte-drapeaux sont désormais bien connus : Ty Segall et ses 18 incarnations, Thee Oh Sees, The Fresh & Onlys… Tous des groupes intéressants (même si je dois avouer que Thee Oh Sees, ça ne passe pas avec moi, pas du tout), au sein d’une scène qui n’est même plus frémissante mais virulente aujourd’hui. Tant de sorties sous tant de formats,des Bandcamp en rafale, et ça essaime aux quatre coins du monde… Pour au final pas tant de disques vraiment convaincants, en proportion. A vous rendre nostalgique du manque d’infos que représentait l’ère pré-Internet, quasiment. Rajoutez par dessus que d’un coup, tous les nouvellement hipsters de la capitale ont décidé d’investir les salles où se produisaient ces groupes, arrivant pleins du solipsisme de leur fougueuse jeunesse2, me faisant petit à petit déserter les lives parisiens.



C’est ce qui fait que, progressivement, lassé d’une part par le travail à fournir pour simplement suivre l’actualité, et trouvant que ma vie rythmée uniquement d’une musique déjà bien connue n’était pas si dégueulasse, j’ai fini par me laisser aller à cultiver une nostalgie musicale sans chercher à renouer avec mes grandes heures d’explorateur sonore. Vous le savez, j’ai de toutes façons toujours été un grand nostalgique, même à 20 ans.

Puis la vie s’est compliquée. Toujours aussi agréable, mais… La musique n’a jamais été QUE la musique, ai-je fini par réaliser. Elle a surtout été un goût, partagé (ou pas) avec des gens. Des gens auxquels je tiens, et que j’ai fini par ne quasiment plus voir. Si vous me lisez, vous en faites probablement partie. Elle a été le moteur de ma vie sociale ces derniers… pff presque 10 ans. Elle a été un sujet majeur d’arguties, donc de discussion ces 15 dernières années. Devenir adulte peut bien signifier un milliard de choses que je ne connais pas, mais ça ne peut pas être cesser d’être curieux.Enfin, c'est ce que j'ai décidé de croire.


Ainsi étais-je occupé à vivoter, écoutant les sorties des groupes que j’aimais sans plus de conviction. Puis, il y a quelques jours, j’ai eu un coup de pot monumental. Je suis tombé, au hasard de Spotify 3, sur un album qui ne payait pas de mine, avec une pochette mal dessinée à la Daniel Johnston, et des chansons avec des titres marrants. Y en avait même une qui s’appelait Debbie Downer, et ça, ça me parle.


Une fois l’album lancé… Quel bonheur. Autant vous le dire tout de suite : même si je le trouve de grande classe, ce n’est pas un chef d’œuvre. C’est un bon album (même pas TRES bon), mais… enthousiasmant. Tellement. Exactement ce petit truc qui m’a manqué ces dernières années. De l’enthousiasme pour un disque. Une envie de le réécouter dès qu’il s’achève. Des mélodies accrocheuses comme pas possible (Debbie Downer, donc, Nobody really Care if you don’t go to the party4 aussi), des paroles malignes et marrantes… 


Et aussi, je ne sais comment le formuler sans être vexant envers 50 % des albums que j’ai écoutés récemment… un album qui est lo-fi sans jouer cette carte. Les morceaux sont simples, carrés, bien gaulés, un peu de distorsion dans les coins, mais pas 12 épaisseurs de boites d’œufs pour « Faire lo-fi ». Non, la décontration est naturelle, et le côté slacker me parle probablement un brin trop.Ici et là un morceau essaye de pousser les choses un peu plus loin, comme la longue Small Poppies qui se la joue blues, ou la lancinante An illustration of Loneliness (Sleepless in New York) qui sonne comme si Whirlwind Heat avait embauché un guitariste et décidé de faire de la pop5.


On pense à beaucoup de choses (le premier album de Paws, il y a quelques années, Scout Niblett qui prendrait ses médicaments, 0.5 Moldy Peaches, vous voyez l’idée), et ce disque m’a fait un bien fou. J’ai jeté un œil, et elle joue à la Gaité Lyrique samedi prochain. Pas de chance pour moi, c’est complet.Vous savez quoi ? Ca fait une paye que je n’avais pas été aussi content d’être déçu de rater un concert.


Ah oui, au fait. Elle s’appelle Courtney Barnett, et l’album s’appelle « Sometimes I sit and think, and sometimes I just sit ». C’était bien la moindre des choses que je m’asseye pour écrire.

Merci.





1 Par contre, vous m’excuserez d’avance, le côté « transpercer la banalité du fil d’une plume acérée pour la transcender » ce sera peut-être pas pour aujourd’hui, je suis un brin rouillé quand même. 

2 Comprendre par là : « Considérant que si tu es mécontent qu’ils t’aient fait renverser ta bière sur ton futal en pogottant sur une ballade, c’est que tu n’as pas la même légitimité qu’eux à être présent à ce concert ». Alors que toi, tu prêtais juste attention à ce qui se passe sur scène. Vieux con que tu es. Quiconque a vu un concert des Black Lips a plus de 25 ans comprendra ce que je veux dire.

3 Ouais, maintenant j’ai un abonnement Spotify. Je sais. Mais il venait avec mon forfait téléphone, donc… Par contre, c’est une bénédiction autant qu’une malédiction : 1. Ça me bouffe mon forfait assez facilement parce que 2. Ça ne m’aide pas avec ma tendance au zapping. Même si je sauvegarde 15 albums, il y a un moment où je vais vouloir chercher autre chose et bam, ça me bouffe mon forfait.

4 Dont le refrain « I wanna go out but I wanna stay home » résume grosso modo mon année 2015 je crois.

5 Soit donc un truc qui n'a pas grand chose à voir avec Wirlwind Heat. Oui, mon sens de la comparaison m’a l’air bien rouillé aussi. Par contre mon goût de la note de bas de page inutile est intact, on dirait.