mardi 15 juillet 2014

White Fence, Live in San Francisco

L’expression “c’est un groupe de scène” m’a très, très longtemps fait marrer. Souvent parce que ça ressemblait à une façon un peu maladroite de se dédouaner d’apprécier ce disque qu’on venait de me faire écouter et que je trouvais très, très moyen. Souvent parce que c’était utilisé à propos de ce genre de groupe de baloche, de néo-chanson française réaliste avec un nom en “Les X de Y”. Souvent parce que ce que j’en comprenais c’est que les gars était des sacrés animaux de foire, une fois placés devant un micro et qu’au fond la musique on s’en foutait. Souvent parce que les gens qui me sortaient ça étaient incapables d’aller à un concert à moins de 8 g. De THC. Dans le souffle. Donc pas très crédibles comme témoins.

Donc quand aux alentours de 2012 on m’a expliqué que White Fence était un groupe de scène, j’étouffais un rire poli. Mon gros problème avec eux s’appelait “Hair”. Concocté avec Ty Segall, c’est un album très réussi. Et tout le monde s’accordait à dire qu’il tenait plus de l’album de White Fence avec Ty en guest qu’un véritable album commis à deux. Or… j’aimais beaucoup cet album. Par contre, tout le reste de White Fence m’en touchant une sans faire bouger l’autre, je n’arrivais pas à comprendre comment c’était Dieu possible, un tel grand écart.

En fait White Fence est presque un cas d’école. Un plaidoyer pour ce petit truc qu’on appelle “Produire un album”. Les albums de White Fence jusqu’au Live in San Francisco dont nous allons parler incessamment sous peu sont tous plutôt inaudibles. Une bonne chanson peut-être gachée par une mauvaise production. Une mauvaise prod’ sauvée par une bonne chanson, c’est beaucoup plus rare. Et ce n’est pas mainstream que de rendre une chanson accessible. Les premiers albums ne sont pas dépouillés. Les premiers Sparklehorse le sont. Ils ne sont pas minimalistes. J’aurais jamais jeté une oreille dessus sinon. Ils ne sont pas produits simplement. Ils sont simplement pas produits.

Non, je suis beaucoup trop dur, c’est vrai, mais tous ces arguments me paraissent être des cache-misère, des excuses un brin moisies. Disons juste qu’un oeil extérieur pour tirer le bon grain de l’ivraie dans les idées de ce qu’on met et - surtout - de ce qu’on met pas sur le disque serait pas du luxe (Avant de venir me contredire, allez écouter Perfume, signé White Fence & Family. En entier, et d’une traite SVP.)

Alors oui, je voulais bien croire que ça sonnait mieux sur scène que sur disque, mais probablement surtout parce que j’aurais eu du mal à imaginer le contraire. A moins que le gars joue derriere un mur de boîtes d’oeufs construit sur scène. Mais d’un autre côté je m’en foutais quand même.

Puis (vous vous doutiez bien qu’on allait en arriver là) un jour j’ai vu le gars sur scène (oui, White Fence c’est surtout Tim Presley, et après il y a des gars qui se joignent à lui sur scène quand il doit faire des concerts). Pas vraiment de mon plein gré, disons juste que j’étais là. Au San Francisco City Sounds Festival - un des festivals les plus bizarres de l’histoire, soit dit en passant - à Paris, où j’allais principalement pour voir Ty Segall et surtout Warm Soda, dont c’est encore à l’heure où je tape ces mots la seule fois qu’ils ont joué à Paris. Mais bon, on n’allait pas se barrer après le premier concert, et ce fut l’occasion d’admirer ce que donnait sur scène ce “groupe de scène”.

Mes aïeux, cette claque. Okay, j’avoue, c’est impressionnant. Mais outre le fait que Tim Presley saute partout et a un charisme qu’on ne saurait deviner émanant de ce petit gars replié sur sa guitare, c’est surtout… l’étonnante lmpidité des compos, pourtant trifouillées, toturées, déterriorées qui saute aux oreilles. D’un coup on réalise à quel point les chansons sont en fait réussies, en elles-mêmes. Et d’un coup on sort de là en se disant qu’on va jeter soudain une oreille neuve sur les albums, et réaliser pourquoi cet engouement…

Mais rien du tout.

Cependant, quand Castle Face Records décide de sortir un Live in San Francisco de White Fence, on se jette dessus. A raison. C’est clairement la meilleure porte d’entrée au groupe, et aussi le meilleur aboutissement et pour tout dire probablement le seul album à posséder du groupe pour l’instant*. (Et accessoirement le meilleur disque de la Série des Live in San Francisco pour l’instant).

Le fait amusant est que cet album je finis par me le prendre en pleine face, à chaque écoute, comme mon premier live de White Fence: Je connais pas les titres, je suis juste le flot des morceaux qui s’enchainent (à la seule exception que je sais que celle qui dure 8 minutes c’est Baxter’s Corner).

Et c’est un disque que j’aime tellement que j’ai fait l’effort d’en trouver l’édition limitée qui est… si attendrissante, par son aspect bricolage. Le disque lui même est un vinyle transparent, comme j’en ai d’autres, mais la pochette… Cette pochette appelée “lenticular cover” est une de ces images qui bougent selon l’angle selon on la regarde, comme on en avait qui nous amusaient étant gamins - ou adultes, certes. A ceci près que dans le cas présent, cette image, du format de la pochette est… collée sur la pochette “normale”. Ce qui en fait presque un cas d’école de bidouillage garage appliqué à la conception de disques. Ce disque, je l’adore. Tout en le haïssant, pour toute la frustration qu’il crée. Ah, si seulement tous les albums de White Fence avaient été enregistrés en live…




(Ben du coup j'ai trouvé que le morceau de 8 minutes sur YouTube. Cela dit, avec lui vous serez fixés du coup. Ca passe ou ça casse.)






* A noter que le prochain pourrait changer la donne, le peu que j’en ai entendu étant audible au point de parfois taquiner les Who de The Who Sell Out.

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