Smashing Pumpkins - Accor Arena
Lors du ralliement chez moi, on a beaucoup discuté. De nos espoirs, de nos craintes, concernant la setlist. Avant d’affronter vraiment nos craintes face à un live au Rock am Ring de 2007 s’achevant sur un Gossamer featuring Uli Jon Roth (de Scorpions) de 15 minutes enfreignant probablement la convention de Genève. On a aussi joué à Mario Kart mais je ne suis pas sur que ce soit un point majeur.
Une fois dans l’entrée de Bercy, nous nous ruons sur le stand de merchandising, sur le bar, on boit nos pintes, et on écoute juste la basse du concert de Tom Morello à travers les portes. (C’est un peu comme si tes voisins écoutent du RATM en fait). j’ai un peu l’impression d’insulter une légende. Pourtant je dois avouer que voir des T-shirts “Nazi lives don’t matter” au stand de merch était rafraichissant en ces temps agités. Certaines choses ne changent pas.
Xavier, qui décidément a plus d’audace que nous (et aussi une meilleure hygiène de vie je pense, il lui est plus aisé de trancher la foule), continue à nous pousser, vers l’avant, encore, encore un peu, avant de stationner quelques 15 mètres devant la scène, plein centre. On attend.
A 21:30, comme annoncé, les lumières s’éteignent, et c’est parti.
D’un coté il est facile de dire que, des trois fois que j’ai vu le groupe sur scène, celle-ci était la meilleure. Entre autres parce que cette fois, j’ai eu l’impression de voir le groupe sur scène, un groupe qui s’est ce soir là montré plus que la somme de ses parties: efficace, bien sûr, généreux, oui, mais aussi attentionné, offrant une setlist ciselée en forme de valse (un morceau récent - franchement, sur scène, les morceaux choisis d’Atum ils passent- suivi de deux classiques), émaillée de titres pas forcément obscurs, mais plus chéris des fans que certains singles de la grande époque (Thru the eyes of Ruby très tôt dans le concert, c’est le meilleur moyen de satisfaire et rassurer notre bande de nerds)
Il y a 10 ans on avait l’impression d’être les plus jeunes de la fosse. Ca, ça a changé. Il y a 10 ans c’était clairsemé. ca aussi ça a changé. Il faut croire qu’Atum a rempli son pari, ou simplement qu’un nouveau public a découvert le groupe (probabilité non nul que les enfants de l’ancien public aient juste grandi et qu’ils soient là comme nous on serait allés voire les Stones dnas les années 90 / 2000).
Je cause, je cause, mais c’est parce qu’il est difficile de mettre des mots sur l’expérience que ce fut. Allez, tentons. Lors du concert de 2013, j’étais aligné avec deux amis doublés de frères d’arme, à gueuler le pont de Rocket: I shall be free, free / Free of those voices inside me
Cet instant est un souvenir que je chéris. Un parfait résumé de… de ma vie, de ma passion, de mes amitiés avec ces deux larrons. Je ne connais pas tous les détails de leurs existences, au même titre que je ne connais pas ceux de la vie de l’auteur de ces lignes. Mais cet instant, cathartique, transcendant, dont le souvenir me fait monter les larmes aux yeux, me rappelle que, peu importe nos vies, elles ont toutes contenues des moments où nous avons ressentis les mêmes sentiments à l’écoute des mêmes chansons, et peu importe que les raisons en soient différentes. Ca me suffit à savoir que ces gars auront mes arrières en cas de coup dur (théorie tristement déjà éprouvée mais c’est une autre histoire). Et un concert du groupe est une occasion trop rare pour cette assemblée d’ex ados solitaires mais similaires et solidaires de reprendre en chœurs des refrains qu’ils ont entonné mille fois dans leurs chambres tristes.
C’est en ça que ce groupe est différent pour moi, et que ces amis ont une place spécifique dans mon coeur. Des moments comme celui-ci, ce soir là, j’en ai partagés, avec tout le monde. Ma soeur, sur Tonight, tonight, l'ensemble de la fosse de Bercy, sur Today, et bien sur mes compagnons, sur un incroyable, imprévu et imprévisible Mayonaise (1).
Et donc oui, c’était bien. Et le “free from the voices inside me “ de Rocket d’être remplacé, pour les dix ans à venir, par le “I just want to be me” de ce chef d’oeuvre.
Et nous de pouvoir apprécier l’ensemble du concert dans une absolue béatitude. Même les reprises de U2. Même… Gossamer.
“You know I’m not dead” fut la première phrase prononcée par Corgan sur scène. Après deux heures, oui, on pouvait le dire, les Smashing Pumpkins sont bien vivants, peut-être même plus qu’il ne l’ont été depuis au moins 15 ans (Xavier dira 20).
Etait-ce le meilleur concert que j’aie vu de ma vie? Peut être pas (2). Etait-ce le plus important? Probablement. Au sortir de la salle, l’Eglise de la Corganologie se faisait une promesse de… ne plus jamais revoir le groupe sur scène. Parce que nos espoirs… ils étaient là, sur scène, même ceux qu’on osait pas formuler. Un concert tellement bien que certains tubes (1979 pour ne citer que lui) on s’en foutait. On ne peut pas espérer retourner les voir et que ce soit mieux. Fin d’un cycle. Rideau. Tristessa?
Pas vraiment. Parce que deux jours plus tard, en route vers le travail et me repassant la setlist dans le casque… Certains titres avaient retrouvé un éclat terni par les années. Pour la première fois depuis… 10 ans au moins, Today me donnait à nouveau des frissons. Et cette fois, probablement pour toujours. Mais on verra en temps et en heure - Can't live for tomorrow Tomorrow's much too long.
(1) Mayonaise synthétise un peu le sacerdoce d’être un fan du groupe- et ce n’est qu’une raison supplémentaire de l’aimer: c’est une de leurs chansons les mieux écrites, les plus émouvantes, elle est superbement mise en musique… mais elle s’appelle Mayonaise. Ca fait tout de suite passer le prosélytisme au niveau de difficulté hardcore.
(2) Il va falloir un sacré travail pour déboulonner ”se faire haranguer par Nick Cave depuis le deuxième rang de la fosse de Fourvière en 2013”