samedi 22 juin 2024

The more you change ... the more you feel

Smashing Pumpkins - Accor Arena 


16 Juin 2024: cela fait maintenant près de six mois qu’il a été fixé que l’assemblée des Corganologues réunis remettrait ça. Presque 11 ans après Vienne, nous allions revoir les Smashing Pumpkins sur scène. Beaucoup de choses ont changé en 11 ans. Jimmiy et James sont revenus dans le groupe. Jeff est parti, Kiki (ce nom) est arrivée. Le bassiste du groupe de Xavier est devenu ma soeur. Et Jeoffroy, commentateur régulier du Golb, est venu compléter le groupe (c’est notre Katie Cole du soir)


Lors du ralliement chez moi, on a beaucoup discuté. De nos espoirs, de nos craintes, concernant la setlist.  Avant d’affronter vraiment nos craintes face à un live au Rock am Ring de 2007 s’achevant sur un Gossamer featuring Uli Jon Roth (de Scorpions) de 15 minutes enfreignant probablement la convention de Genève. On a aussi joué à Mario Kart mais je ne suis pas sur que ce soit un point majeur.


Une fois dans l’entrée de Bercy, nous nous ruons sur le stand de merchandising, sur le bar, on boit nos pintes, et on écoute juste la basse du concert de Tom Morello à travers les portes. (C’est un peu comme si tes voisins écoutent du RATM en fait). j’ai un peu l’impression d’insulter une légende. Pourtant je dois avouer que voir des T-shirts “Nazi lives don’t matter” au stand de merch était rafraichissant en ces temps agités. Certaines choses ne changent pas.


Xavier, qui décidément a plus d’audace que nous (et aussi une meilleure hygiène de vie je pense, il lui est plus aisé de trancher la foule), continue à nous pousser, vers l’avant, encore, encore un peu, avant de stationner quelques 15 mètres devant la scène, plein centre. On attend.


A 21:30, comme annoncé, les lumières s’éteignent, et c’est parti.


D’un coté il est facile de dire que, des trois fois que j’ai vu le groupe sur scène, celle-ci était la meilleure. Entre autres parce que cette fois, j’ai eu l’impression de voir le groupe sur scène, un groupe qui s’est ce soir là montré plus que la somme de ses parties: efficace, bien sûr, généreux, oui, mais aussi attentionné, offrant une setlist ciselée en forme de valse (un morceau récent - franchement, sur scène, les morceaux choisis d’Atum ils passent- suivi de deux classiques), émaillée de titres pas forcément obscurs, mais plus chéris des fans que certains singles de la grande époque (Thru the eyes of Ruby très tôt dans le concert, c’est le meilleur moyen de satisfaire et rassurer notre bande de nerds)


Il y a 10 ans on avait l’impression d’être les plus jeunes de la fosse. Ca, ça a changé. Il y a 10 ans c’était clairsemé. ca aussi ça a changé. Il faut croire qu’Atum a rempli son pari, ou simplement qu’un nouveau public a découvert le groupe (probabilité non nul que les enfants de l’ancien public aient juste grandi et qu’ils soient là comme nous on serait allés voire les Stones dnas les années 90 / 2000). 




Je cause, je cause, mais c’est parce qu’il est difficile de mettre des mots sur l’expérience que ce fut. Allez, tentons. Lors du concert de 2013, j’étais aligné avec deux amis doublés de frères d’arme, à gueuler le pont de Rocket: I shall be free, free / Free of those voices inside me


Cet instant est un souvenir que je chéris. Un parfait résumé de… de ma vie, de ma passion, de mes amitiés avec ces deux larrons. Je ne connais pas tous les détails de leurs existences, au même titre que je ne connais pas ceux de la vie de l’auteur de ces lignes. Mais cet instant, cathartique, transcendant, dont le souvenir me fait monter les larmes aux yeux, me rappelle que, peu importe nos vies, elles ont toutes contenues des moments où nous avons ressentis les mêmes sentiments à l’écoute des mêmes chansons, et peu importe que les raisons en soient différentes. Ca me suffit à savoir que ces gars auront mes arrières en cas de coup dur (théorie tristement déjà éprouvée mais c’est une autre histoire). Et un concert du groupe est une occasion trop rare pour cette assemblée d’ex ados solitaires mais similaires et solidaires de reprendre en chœurs des refrains qu’ils ont entonné mille fois dans leurs chambres tristes.


C’est en ça que ce groupe est différent pour moi, et que ces amis ont une place spécifique dans mon coeur. Des moments comme celui-ci, ce soir là, j’en ai partagés, avec tout le monde. Ma soeur, sur Tonight, tonight, l'ensemble de la fosse de Bercy, sur Today, et bien sur mes compagnons, sur un incroyable, imprévu et imprévisible Mayonaise (1).


Et donc oui, c’était bien. Et le “free from the voices inside me “ de Rocket d’être remplacé, pour les dix ans à venir, par le “I just want to be me” de ce chef d’oeuvre. 


Alerte Gorafi: trois quarentenaires se jettent dans les bras les uns des autres dans une demonstration d'affection inhabituelle après qu'un chicagoan en cosplay de Fester Adams parle de condiment. "C'est une sauce, pas un condiment" nous confie une source proche du dossier.


Et nous de pouvoir apprécier l’ensemble du concert dans une absolue béatitude. Même les reprises de U2. Même… Gossamer.


You know I’m not dead” fut la première phrase prononcée par Corgan sur scène. Après deux heures, oui, on pouvait le dire, les Smashing Pumpkins sont bien vivants, peut-être même plus qu’il ne l’ont été depuis au moins 15 ans (Xavier dira 20).


Etait-ce le meilleur concert que j’aie vu de ma vie? Peut être pas (2). Etait-ce le plus important? Probablement. Au sortir de la salle, l’Eglise de la Corganologie se faisait une promesse de… ne plus jamais revoir le groupe sur scène. Parce que nos espoirs… ils étaient là, sur scène, même ceux qu’on osait pas formuler. Un concert tellement bien que certains tubes (1979 pour ne citer que lui) on s’en foutait. On ne peut pas espérer retourner les voir et que ce soit mieux. Fin d’un cycle. Rideau. Tristessa?


Pas vraiment. Parce que deux jours plus tard, en route vers le travail et me repassant la setlist dans le casque… Certains titres avaient retrouvé un éclat terni par les années. Pour la première fois depuis… 10 ans au moins, Today me donnait à nouveau des frissons. Et cette fois, probablement pour toujours. Mais on verra en temps et en heure - Can't live for tomorrow Tomorrow's much too long.


(Vous prenez pas la tête, sautez directement à la fin)

Vous en voulez encore? L’article de Thomas. Celui de Xavier.



(1) Mayonaise synthétise un peu le sacerdoce d’être un fan du groupe- et ce n’est qu’une raison supplémentaire de l’aimer: c’est une de leurs chansons les mieux écrites, les plus émouvantes, elle est superbement mise en musique… mais elle s’appelle Mayonaise. Ca fait tout de suite passer le prosélytisme au niveau de difficulté hardcore.


(2) Il va falloir un sacré travail pour déboulonner ”se faire haranguer par Nick Cave depuis le deuxième rang de la fosse de Fourvière en 2013”


lundi 13 mars 2023

Behind the hatred there lies a plundering desire for love

  

“Mais pourquoi t’écoutes Morrissey? Je suis contente pour toi que t’ailles au concert, mais je comprendrai jamais pourquoi t’aimes ça, ses Wohooohhoyoyoyuo. En plus c’est un connard. »

Ma femme, que j’aime, mais qui n’aime pas Nick Cave non plus (adaptation libre)

 

Pourquoi j’écoute Morrissey ? Pourquoi j’aime Morrissey ?

Disons-le tout de suite : la plupart des clichés sur Morrissey ne sont pas loin de la vérité. C’est geignard. C’est grandiloquant. Théâtral. Les paroles, à quelques (lumineuses, toujours lumineuses) exceptions près, consistent à s’autodénigrer, à réclamer compassion et consolation, ou à rappeler à tous les autres qu’ils ne sont qu’un tas de cons.

Mais le sarcasme, (plus que l’ironie si souvent citée quand on en parle), la grandiloquence, ce sont des artifices indispensables pour pouvoir enrober et assumer des paroles d’une sincérité confinant à l’impudence. N’importe quel fan de Morrissey (ou même juste des Smiths), si vous lui demandez vraiment pourquoi il l’aime, vous parlera paroles presque instantanément. Je ne pense pas qu’il y ait d’autre artiste pour lequel j’ai la même tendance à revenir en arrière pour juste une phrase comme on se repasse un solo de guitare juste après l’avoir entendu.

J’ai découvert Morrissey en 2008, à la faveur d’une non-rupture. Mon (futur) meilleur ami, qui lui en traversait une vraie évoquait dans un mail « I know it’s over », et j’y donnais une chance - ça allait me changer du « If you see her, say hello » qui tournait chez moi. Pas de chance pour moi, ça allait me filer la parfaite B.O. pour ma prochaine non-rupture. Chance pour moi, c’était la porte d’entrée vers une passion qui nous mène au concert de jeudi dernier dont ce texte est, vous l’aurez deviné, un non-compte rendu.

 

Bientôt quinze ans que le Moz  (je trouve ce surnom ridicule mais il m’épargne le compte des « r » et des « s ») m’accompagne, et la meilleure représentation que je peux offrir de cet accompagnement est celle du diablotin sur mon épaule telle qu’on peut la voir dans les vieux cartoon. Il est l’expression plate et claire de mon égo comme de ma dépression, de ma résistance comme de ma fatigue face à ce que l’Univers jette sur mon chemin. Il est le héraut des gens qui ne se prennent pas pour de la merde parce qu’ils savent ne pas en être mais ne peuvent pas le dire en société sans quoi on les accuserait d’arrogance – et en développent une frustration, une aigreur, une misanthropie acide. (Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que "I know it's over" tient une place à part dans le coeur des fans - l'intervention d'une voix extérieure démontant tout l'édifice et l'artifice en quelques phrases transforme le titre en déchirant rappel à la réalité).

J’étais un petit gros binoclard avec une grosse année d’avance, je me faisais agresser au collège, j’ai commencé à devenir à demi cool au lycée et encore, et arrivé 2008 j’étais un étudiant d’école d’ingénieur qui avait retapé une année, pris dans le tourbillon des abus de la coolitude (même si j'ai aujourd'hui conscience que j'étais plus un connard qu'autre chose1).

Morrissey prenait mes frustrations comme mes souffrances et en faisait une splendeur prête à citer. En Juin de cette année, comme citation personnelle pour ma remise de diplôme, ma sélection se porta sur « It’s so easy to laugh, it’s so easy to hate, it takes strength to be gentle and kind”. Je dois bien admettre avoir emprunté la voie facile plus qu’à mon tour en dépit de ce choix.

Voilà pourquoi j’aime Morrissey : parce qu’il a l’intégrité d’être lui là où je n’ai pas toujours celle d’être moi. Ces gémissements et yoddles2 que j’imite mal dans la salle de bain, ils sont déjà en moi et ne demandent qu’à sortir. Morrissey a le talent de tous les grands paroliers : savoir mettre en mots des sentiments qu’on n’a même pas conscience d’avoir.

 Comment pourrais-je ne pas apprécier, même plus, me sentir concerné, par la musique de celui qui a écrit (et ouvert son tour de chant l’autre jour avec) « Won’t somebody stop me/ from thinking all the time ? / So deeply / so bleakly /About everything »3 ? La question peut-elle même se poser pour quelqu’un qui me connaît ?

 

Alors que dire de plus ? « Cela excuse-t-il d’être un connard ? », je pense que c’est ça la prochaine question.

On va pas s’amuser à dissocier l’homme de l’artiste (tu as raison, laissons cela au monde du cinéma) , mais on va charger la mule sur le Personnage ? En fait, je n’ai pas envie de l’excuser, mais c’est aussi parce que… en fait j’aime bien le fait que ce soit un connard4. Encore une fois, c’est l’image du diablotin qui revient. Rockstar contre son gré, Morrissey incarne toutes les déviances du monde auquel il appartient : que l’auteur de « Paint a vulgar picture » 5 s’échine à rééditer ses albums de seconde zone au point de rendre les versions initiales presque inaccessibles, qu’il se fâche avec sa maison de disques au point que ce qui se présentait comme son meilleur album en 10 ans finisse sous clé, ou même qu’il ait des sorties de gout douteux (et le fait est que jeudi il nous a sorti une paire de trucs que CNews ne renierait pas – même si rien de légalement répréhensible), je le prends avec le reste du package. On n’aime pas Morrissey comme on aime un autre artiste. On l’aime comme un club de foot qu’on suit à travers les hauts comme les bas. On est son supporter. Et croyez-moi, des fois, c’est ce qu’on fait : on le supporte. On peut pas tous les jours être un sweet & tender hooligan.

 


Et du coup, ce concert de l’autre jour ? Eh bien il avait deux qualités majeures : il a eu lieu, et j’y étais. Moi qui avais mon billet pour le Grand Rex en 2009 et n’ai pas voulu l’échanger contre un billet au Zenith après l’annulation / report parce que d’un coup on changeait de tournée (on passait de Years of Refusal à Swords, la compile de faces B), pour découvrir que ce soir là IL A JOUE ASK, ben j’avais une revanche à prendre.

Et… c’était bien. C’était convaincant6. Bien qu’au balcon et assis (les sièges de Pleyel sont surprenants de confort, soit dit en passant), j’étais investi. Et bien sûr, le fait d’être là avec celui qui m’a ouvert la porte vers cette œuvre (je ne suis même pas sur qu’il se souvienne l’avoir fait, ni de le lui avoir rappelé ce soir-là), était hautement symbolique: a peu de choses près je le connais depuis aussi longtemps que Morrissey. Et des gens qui comprennent instinctivement en voyant un titre comme « Everyday is like Sunday », que ça va pas causer de la joie du repos mais de l’angoisse de longs après-midi d’ennui (cette période glaçante entre la semaine des Guignols et Ca cartoon), on en croise pas tous les deux jours.

Et Morrissey était ce qu’on pouvait attendre de lui. Charmant, amusant, mythomane, arrogant, délivrant des vérités toutes faites (entre autres sur la vérité elle-même), on a eu droit à quelques reprises des Smiths qui bien sur nous ont réjoui (ou secoué), mais aussi à un salutaire rappel que Morrissey solo reste un artiste qui compte et qui sait sortir de grands titres. Avec un répertoire tel que le sien, on pourrait s’attendre à ce qu’il fasse le même tour best of depuis 2004 (personne ne se plaindrait s’il venait pour la setlist du Live at Earl’s court), mais non. Et c’est ainsi que se re-révèlent à nos oreilles et sous nos yeux « Our Frank », « Jim Jim Falls », « The bullfighter dies » (l’instant PETA) ou (apogée du soir pour moi) « Trouble loves me »7 (dont j’avais presque oublié l’existence mais qui fut livré en une merveilleuse prestation).

 Le concert a duré une bonne heure et demie, quelque 20 titres dont les ¾ furent un plaisir (que quelqu’un m’explique cette insistance à garder « the Loop » dans la setlist). Le final fut aussi réjouissant que chaotique que thématiquement cohérent (des gens qui se tabassent sur Sweet & Tender Hooligan pour récupérer le T-shirt lancé par la Moz dans la fosse), et on est partis un peu confus mais surtout satisfaits. Qui sait quand l’occasion se représentera ? Si les statistiques récentes valent quelque chose… pas avant au moins 5 ans.

Alors ce n’était peut-être pas le meilleur concert jamais joué, mais il suffira. Il en a joué des mieux et de moins bien. Mais en tous cas… Ce concert, c’était le mien, et c’est l’essentiel. Et comme Morrissey en 2008… Je ne le savais pas, en y allant, mais j’en avais besoin. 

Thank you, thank you, thank you for getting me what I didn’t even know I wanted.

  

(Heureusement que le gars qui chante dans la fosse chante pas horriblement faux)

  

 

1 Une anecdote caractéristique : vers 2015 je me suis retrouvé à bosser avec un gars, genre premier de la classe qui était dans la promo en dessous de la mienne. La fin de ma mission arrivant, faisant le tour des bureaux pour dire au revoir, j’ai vécu un épisode de dissonance cognitive totale, alors qu’il complimentait sans fin le moi d’aujourd’hui tout en crachant sur le moi de 2007 / 2008, évoquant l’agréable surprise que c’était « d’avoir des conversations si intéressante avec quelqu’un qui sait autant de choses que moi », ce à quoi « il ne s’attendait vraiment pas ». A ceci près que le moi de 2008 était déjà ce gars qui savait des choses et était capable d’avoir ces conversations intéressantes… et que je n’avais jamais pensé avoir à ce point changé.

2 Le yoddle chez Morrissey, c’est comme les numéros de danse dans les comédies musicales : c’est ce qu’on utilise quand les mots ne peuvent plus exprimer les choses.

3On remarquera comment tout est là, dans ces quelques lignes : La souffrance, l’appel implorant à l’aide, la dépression, mais bien sur l’égo – ce « so deeply », seul Morrissey oserait le mettre.

4 En fait j’aime bien les connards dans le monde du rock. Mais les vrais. Si l’on veut prendre d’autres mancuniens comme exemple… les frères Gallagher. Je comprends qu’ils aient déçu leur public en splittant en coulisses juste avant de jouer, mais… ça ne pouvait pas finir autrement, on le savait, et c’est en partie ce qui les rendait précieux à nos yeux.

5 At the record company meeting / Re-issue! Re-package! Re-package! / Re-evaluate the songs / Double-pack with a photograph / Extra track (and a tacky badge)

6 Et je n’utilise pas le terme ironiquement, ni à la légère. Si à la fin d’Irish Blood English Heart Moz nous demandait d’aller envahir Buckingham Palace, j’en étais, hein.

7 Tapant ce titre, je réalise qu’il y a une dimension supplémentaire de l’œuvre Morrisséenne que je n’aborde pas : sa vie c’est de la merde mais c’est rarement (jamais) de sa faute. C’est le côté maudit, shakespearien du Personnage. Aussi : « Show me a barrel and watch me scrape it », ça c’est des paroles bordel.

dimanche 19 février 2023

Why don't you live it up and buy me a drink ?

 

Ca fait quarante huit heures que je me sens terriblement mal. Je n’arrive plus à rien, paralysé par un cerveau qui ne veut pas fermer sa gueule, et qui entraine dans sa chute un organisme qui décide de jouer la partie contre moi : à la fois affamé et nauséeux, la respiration en vrac (trop courte pour les poumons, trop longue pour ma gorge qui m’enjoint à tousser au moindre influx d’air). Immanence du mal-être qui mobilise toutes mes ressources pour alimenter sa propre souffrance. Physique, psychologique. Spirale vicieuse (donc de Moebius, pour qu’elle puisse se refermer.)

 

Autant dire que ce concert, que j’attendais avec une certaine impatience (c’est mon premier concert en presque 10 ans quand j’y réfléchis, c’est fou), j’ai peur de comment il va se passer. Et on a à peine déposer la petite chez mes parents que madame me le fait sentir, qu’elle me sent pas, ce soir.

J’ai pourtant envie de faire honneur à cette soirée. Ces billets, c’est Thomas qui me les a offerts pour mon anniversaire, à l’occasion d’une réunion de vieux blogueurs qui se serait en fait suffit à elle-même comme cadeau d’anniversaire. Et puis il y a une tendresse, une symbolique dans ce cadeau : Jessie Malin, sans Thomas, je ne saurais pas qui c’est. Et cil vient de publier un panégyrique sur le gars et sur l’importance que celui-ci a pu avoir au sein des temps difficiles qu’il a pu traverser ces derniers temps.

 

On se retrouve tous quatre (Thomas, moi-même et nos chéries),  à  la sortie du métro Pigalle et on trouve une petite brasserie où manger un morceau avant l’ouverture des portes de la boule noire. On prend des tatares, ces dames prennent des salades, c’est pas très progressiste de notre part mais c »’est ainsi.

On entre enfin dans la salle et le stand de merchandising me tend les bras et m’arrache les yeux. Ma chérie me lance un inattendu regard d’approbation qui me fait comprendre que j’ai carte blanche sur la carte bleue. On va se lâcher, parce que tristement, je n’ai aucun disque de l’artiste respecté qui se produit ce soir (il est très mal distribué en France, donc le stand de merch de son concert c’est mieux que la Fnac, et pour qui ne renâcle pas à acheter des CDs en 2023 – j’en fait partie – c’est même très honnête). Après plusieurs aller retours hésitants, je reviens avec 4 albums (dont mon chouchou en vinyle Edition limitée rose pétant)

 

La première partie est une première bonne surprise. Un gars à la guitare sèche, l’autre à la mandoline électrique. Trapper Shoepp est un gars à l’aise, causant, qui nous raconte les anecdotes qui vont avec les chansons qu’il nous propose, il joue quelque six ou sept titres, tous plutôt sympa, on rigole, et ma femme en plus se sent soudainement transportée dans le temps, de retour au Colorado ou les scènes ouvertes débordaient de singer songwriters à influence bluegrass. Je regretterai presque sa carte blanche précédente, parce que du coup elle s’en octroie une sur le stand de merci de la première partie. Enfin je dis ça pour la forme, en fait elle se dévoue à ma place, pour l’album, comme pour le T-shirt « This isn’t fun anymore », message doux amer qui résonne trop bien avec les difficultés actuelles de nos vies. (Et sonne comme un titre de chanson de Morissey)

 

Puis Jessie entre en scène avec son groupe. On a beau être sur la tournée anniversaire de « The fine art of self -destruction » (oh ironie mordante, j’ai l’impression d’y être ceinture noir depuis avant-hier), il attaque avec des titres récents. Quand bien même je suis peu familier de ceux-ci, que voulez-vous que je dise ? Ils sont super. Et au milieu, une reprise de « If I should fall from grace with God » des Pogues. Que demande le peuple ?

 

Ben a priori le peuple il demande quand même ce pour quoi il est venu, enfin ce qu’il y avait sur l’affiche, donc on attaque l’album. Dans l’ordre. Une façon de faire les choses avec laquelle j’ai parfois quelques soucis (j’ai la méga flemme de chercher mais je sais que je dénonçais la pratique sur mon blog il y a quelque dix ans), mais que Malin émaille d’anecdotes sur l’histoire des chansons, de l’album, souvent douces-amères mais tout aussi souvent drôles. On croise dans ses anecdotes beaucoup de fantômes, mais toujours avec cet angle qui fait les beaux enterrements : la joie d’avoir connu plutôt que la tristesse d’avoir perdu.

Une surprise vient cependant interrompre l’enchaînement prédéterminé de la tracklist, et (je dois être en veine), c’est littéralement un  des titres que j’avais, en plaisantant à moitié, évoqué vouloir entendre quand nous discutions de l’organisation, avec Thomas, au téléphone, deux jours plus tôt, pendant que ma fille hurlait en arrière plan : la reprise de Bastards of Young, des Replacements, qu’on trouve sur Glitter in the Gutter.

 

Quelques quinze minutes après avoir hurlé à tue-tête les « I don’t know » » de Wendy, ma catharsis se continue en m’égosillant sur cet hymne de loser, que reprennent en chœur tous les « sons of no one » de la salle. Et moi de redoubler de vois sur le pont qui exprime le sentiment le plus commun mais le plus frustrant de l’existence. J’ai la flemme de le réécrire ici, ceux qui connaissent savent de quoi je parle, les autres allez découvrir cette pépite.

 

Le fin de l’album se déroule sans accroc ni surprise, chacun perdant un peu le fil passé l’endroit ou il arrête généralement d’écouter l’album. (Personne ne va à chaque fois jusqu’à Xmas, soyons honnêtes). Je serai bien en peine de vous dire quand, précisément, j’ai eu mon épiphanie du soir, mais c’est sous son influence que le « Meet me again at the end of the world » final, j’ai pu l’apprécier à sa juste valeur.

10 ans que je connais ma femme (et Thomas la sienne), 15 ans que Thomas et moi on se connait. Tous, on en a connu des emmerdes diverses et variées. Et nous voici tous réunis, dans une salle de concert, se sentant bien, heureux. Parce qu’on a beau morfler, on est là. On est vivants. Et à travers ses titres écorchés autant que ses anecdotes drolatiquement tristes, Jessie Malin est un des nôtres. Non, plus encore. Il est le symbole même d’un mot tellement surutilisé qu’on en a bazardé le sens, il est là, debout, splendide : notre apôtre de la résilience.

 




Ce soir, The Fine art of Self-Destruction, album que j’aimais déjà, vient de passer à un stade supérieur, symbolique : une œuvre pour se rappeler que ça ira mieux. Quand ? on s’en fout. L’important c’est que ça arrivera. Garder la volonté. Je leur dois bien ça, aux gens qui m’ont entouré comme à lui, revenu de tout pour jouer dans une salle de même pas 200 personnes où, exception faite de ma femme, je suis le cadet.

N'empêche, c’est pas tous les jours que ton cadeau d’anniversaire te permets de sortir d’une crise existentielle.

Apposé à sa signature, sur mon vinyle, sont ces trois lettres : PMA. Pour Positive Mental Attitude, avait-il expliqué pendant son set. On va essayer.



mardi 19 juillet 2022

BioRadioSpective - Episode 9 et final

 A moon shaped pool (Mai 2016)

L’écoute de cet album, dans le cadre de cette rétrospective m’offre une surprenante symétrie : on finit comme on a commencé, avec moi qui découvre un album de Radiohead quelques 6 ans après sa publication.

Mon ressenti de cet album (écouté avec une certaine (ir)régularité tout au long de l’écriture de cette série, sachant qu’il en serait le point de fuite), a traversé des phases qui n’ont pas été sans me rappeler mon vécu d’In Rainbows, d’un rejet initial à un dédain à une admiration certaine quand quelque chose, soudain, à décliqué. C’est clairement un disque qui n’a pas ses intros de morceaux pour lui. En fait, c’est possiblement le disque de Radiohead le plus cliché qui soit tant il est difficile à apprivoiser au détour d’une écoute distraite. S’il a plus à certains dès la première écoute, c’est possiblement plus par contraste avec l’opus précédent (on retrouve dans A moon shaped pool une organicité, et même, dirais-je, une âme, terriblement absents de son prédécesseur), que sur les pièces présentées (sauf Decks Dark, seul morceau « immédiat », qui n'est pas sans rappeler… The Daily Mail). C’est un album auquel il faut laisser du temps pour se révéler, parfois même au sens littéral (Ful Stop et son intro de 2 minutes).

 

Pourtant, sur cet album, Radiohead se permet d’une certaine façon des faire des choses « faciles » à nouveau. Et, bien évidemment, ça marche. Je ne veux pas être caricatural (et de toutes façons je n’ai pas les connaissances musicales suffisantes pour appuyer mes dires), mais je crois bien que c’est le premier album à présenter autant de morceaux bâtis sur un crescendo depuis... au mieux Kid A, au pire OK Computer. Et vu que c’est ce qui nous avait convaincu à l’époque (je suis une midinette des crescendo), évidement qu’on adhère. Au point de se retrouver plus surpris par cet album qu’on ne l’avait été depuis une paye, entendant le morceau commencer super bas et super mou, avec une batterie claire, on se dit « ouais, bof », et on finit collé à son siège, peinant à croire que le voyage qu’on vient de se taper dure la même longueur que les tunnels d’ennui de l’album précédent, quand ce n’est pas moins, regrettant parfois que ça n’ait pas duré plus longtemps (la fin ultra-frustrante d’Identikit)

Je suis presque à court d’adjectifs pour caractériser mon ressenti, je dois bien l’avouer. Ce disque est splendide, mais aussi très différent de tout ce qu’a pu faire le groupe auparavant. Il est emprunt d’une tristesse marquée, mais tout en retenue. Alors que dans l’ancien temps on accompagnait les crises de panique de Thom Yorke, on est ici face à un homme désespéré mais digne, à l’émotion rentrée et refusant de laisser les larmes s’écouler. Mais celle-ci finit toujours par ressortir, sous une forme ou une autre. La plupart des morceaux s’ouvrent dans un dépouillement quasi-total (un piano, une guitare), mais envahi de fantômes (ces petits bruits dans le fond, vagues (de) musiques, cloches ou harpes, fantômes – dont la spatialisation justifie vraiment l’écoute au casque (Desert Island Disk en tête) - putain cette phrase de snob).

 

Il y a quelque chose d’unique, sentimentalement, dans le fait d’être (agréablement1) surpris par la dernière sortie d’un groupe qu’on aime. Je crois que, dans ces largeurs, cela ne m’était arrivé par le passé qu’une seule fois (et ça s’appelait Push the sky away). C’est comme (parodiant Richard Anthony dans un sanglot) retomber amoureux de sa femme. Pourtant avec cet album de Radiohead, il y a quelque chose.. de différent. Pas quelque chose qui bloque, mais quelque chose de différent. Peut-être ai-je vieilli (ou alors c’est eux), mais cet album, certes je l’aime, certes j’en vois les qualité, mais… j’ai l’impression de l’aimer dans le vide. Peut-être est-ce la désincarnation de la musique, ou, plus probablement, le silence radio de 5 ans après un album que j’avais dédaigné (pour rappel j’aurais clairement enfin pu voir le groupe sur scène en 2011, c’était financièrement possible et mon boulot de l’époque j’aurais grave pu être sur le site de la Fnac à 10 :00 du mat’, mais l’album m’a fait me dire que c’était pas la peine…), qui fait que, pour une fois, on n’a pas pu vraiment voir l’évolution de Radiohead entre l’album précédent et celui-ci. Mais c’est aussi ce qui fait, je pense sa valeur, en partie. Parce que c’est un album de Radiohead. Et il m’apparait nécessaire de rappeler qu’à ce moment là (2015 / 2016), même le batteur a sorti un album solo. Johnny Greenwood fraye avec P.T. Anderson (avec succès), et Thom Yorke a sorti son second album solo… Ils n’auraient pas sorti un album sous le nom de Radiohead s’ils n’en avaient pas eu besoin. Et par là j’entends un besoin viscéral, pas que financier, je pense qu’on peut être sereins pour eux sur ce point là.




Alors oui, il est difficile de ne pas insérer au forceps le contexte : Thom Yorke divorce, il a besoin de ses potes autour de lui pour faire ce qu’ils font de mieux : chouiner sur des guitares. Johnny a bossé à fond sur des instrumentations de cordes pour There will be blood et al ., c’est sa marotte du moment (ça change des ondes Martenot), donc il apporte ça. Colin s’ennuie un peu alors il décide de forcer un peu la basse sur certains morceaux (avec succès – de toutes façons c’est peut-être le membre du groupe le plus sous -estimé.) Ed, lui, ben, il fait ce qu’on lui dit de faire (Ed, vraiment, on a toujours l’impression qu’il est juste content de pouvoir trainer avec ses potes. Il est bizarre par sa non-bizarrerie au sein de Radiohead, c’est fascinant).

Et l’album, par conséquent, d’être possiblement le plus unique du groupe, nous prenant au dépourvu en sortant littéralement de nulle part (« extra res » si la locution existait). Il ne se définit ni dans la continuité du précédent, ni dans son opposition. Il ne se définit pas par rapport à sa situation dans la carrière du groupe… il est. Et c’est tout. Mais rien n’est jamais vraiment neuf ou novateur, donc forcément on retrouve des éléments qui font penser à autre chose… En particulier les cordes, fameux "ajout" spécial de cet album. Quand bien même j’ai vu un certain nombre des films dont il a écrit la musique, je ne connais pas forcément l’œuvre »cordée » de Greenwood plus que ça… du coup moi quand j’entends les cordes débarquer dans, par exemple, « The Numbers », c’est le nom de Jean-Claude Vannier qui me saute aux oreilles (allons plus loin : c’est un morceau entier qui fait se dire « Tiens, quelqu’un a réécouté « Cargo Culte » il y a pas longtemps) – Et c’est le cas de nombreuses irruptions de cordes (ces grands élans de violoncelle, que personnellement j’adore).

Flottant comme une île au milieu de... d'une piscine en forme de lune (ils précisent pas la phase de la lune mais j'ai tendance à croire: pleine), seul et sans semblables, cet album, c'est les retrouvailles, mais aussi la redécouverte... et la redécouverte de la découverte, si vous voyez ce que je veux dire. Il a peut-être fallut que je gratte 15 000 mots sur le chemin, mais pour en arriver là... ca valait le coup.

 

Et évidement, ces retrouvailles de s’achever sur une apothéose que je n’aurais pas cru possible. True Love does wait. Cette version dépouillée, cristalline… paralysante, si je suis honnête.

J’ai souvent dit (et il est possible que j’aie répété cette théorie au sein même de cette rétrospective), qu’il existe deux genres de groupes de rock : ceux qu’on aime parce qu’on voudrait être eux (au nombre desquels je vers les Rolling Stones, les Guns n Roses, par ex) et ceux qu’on aime parce qu’on se reconnait en eux (dans mon cas de weirdo : Weezer, les Smiths, …). Admirable vs. Reliable. Peu de groupes transcendent cette distinction, des groupes dans lesquels on se reconnait encore tout en les sachant inatteignables, qu’on regarde d’en bas, mais dans les yeux. Radiohead en fait partie. Mais depuis quelques années ils paraissaient trop haut pour encore offrir cette projection, cette identification. Et d'un coup, nous sommes à nouveau à niveau.

Certes c’est à la faveur d’une chanson de 1995 que cela arrive. Et il a fallu que de très difficiles choses nous arrivent, à Thom, comme à moi, pour que l’espace d’un peu moins de cinq minutes, il me parle, directement. C’est absurde comme ce simple « wash your swollen feet » (qui ne rime même pas et devrait donc être le pire vers du truc) m’a brisé, invoquant visions de douleur et de maladie, mais aussi de soin et de dévotion totale. Je dois bien le dire, j’ai du mal à écouter cette version sans finir a minima larmoyant, cette chanson invoquant le souvenir de moments difficiles mais surtout, appelant avec eux tout ceux qui les ont rendu vivables. Encore une fois, me voici m'appropriant une chanson au mépris de son sens premier, pour une fois tellement simple et évident.

Si la carrière du groupe s’achevait sur cet album (ce qui, bizarrement, ne me surprendrai pas tant que ça), je serais presque OK avec ça. OK, avec le fait qu’un groupe que j’ai aimé parce qu’il traduisait mon mal-être de petit ado qui ne demande qu’à être aimé mais reste si seul, dans son dernier titre jamais publié, et pourtant directement issu de cette période… me fait chialer de reconnaissance d’avoir, autour de moi, tant de gens qui m’aiment et me supportent (dans tous les sens du terme).

 

Merci à tous de m’avoir lu.

 

 

 

Plus mauvais titre: Je n’en reviens pas de dire ça (et c’est peut être lié au fait d’avoir littéralement vécu avec cet album ces dernières semaines, mais je ne pense pas qu’e cet album ait un mauvais titre. Du coup, en « plus mauvais », je suis un peu obligé de dire « Present Tense », mais plus parce que rien ne le fait sortir du lot qu’autre chose.. (Ca aurait pu être « Glass Eyes, mais Thom Yorke qui se prend pour Nick Drake, qui pourrait détester ?)

Meilleur titre pas sorti en single : Identitik, pas de débat, mon titre préféré de l’album, limite j’en ai pas causé dans le cœur de l’article pour pas vous coller 3 pages dessus.

Meilleure face B de single de la période : Mais enfin, mon bon ami, les faces B ça ne se fait plus. Maintenant les morceaux ils sortent tous seuls, sur le Spotify. Mais je m’en voudrait de ne pas citer ici « Spectre », dont je reste dégouté de ne pas l’avoir vu sélectionné comme titre d’ouverture de film parce que franchement, comme tu fais un générique « classique » de James Bond sur ce titre.

 

1 Je précise « agréablement » parce que j’écoute encore les sorties récentes de Muse, et je continue d’être surpris.

lundi 11 juillet 2022

BioRadioSpective - Episode 8

The King of limbs (Février 2011) 


Oh putain, oh non… C’était un cri de déception en 2011, c’est un cri de réticence aujourd’hui. La simple perspective de devoir réécouter cet album me plonge dans des abîmes de catatonie. (L'album s’y prête, aussi)

Je n’ai pas d’avis sur cet album. Enfin si, mais… Je ne sais pas si mon avis compte.

Pour ceux qui n’étaient pas là, King of Limbs est en fait sorti dans des conditions similaires à In Rainbows : annonce juste une semaine avant la sortie, grosse hype, le messie de retour, l’Internet s’enflamme… Mais, et je pense que c’est un point primordial pour expliquer la réception de cet album1 … L’Internet de 2011 n’avait déjà plus rien à voir avec celui de 2007. Et si un temps de latence en 2007 était encore toléré (un billet de blog ne s’écrit pas en 12 secondes, et à l’époque encore (je sonne comme un vieux con, mais j’en suis peut-être un en fait), on essayait de pas publier des conneries (enfin, de pas en publier sans faire exprès). Mais en 2011, Facebook et Twitter avaient déjà commencé à prendre le dessus et la réactivité à l’emporter : The King of Limbs, du coup, était le premier album du groupe dont la première écoute pouvait être live-tweetée comme un épisode de la Nouvelle Star. Et c’est peu ou prou ce qui a eu lieu. Parce que Radiohead c’est pas n’importe qui, tout le monde a voulu en causer, le plus vite possible, jetant au vent tout ce que le groupe nous avait appris depuis plus de 10 ans en termes de « des fois faut bien 6 mois pour s’approprier un album » et trucs du genre.

Et forcément… ben quand on a affaire à un album aussi… répulsif disons -le, il est légitime que le backlash ait été conséquent.




(Ne vous en faites pas, je ne vais pas soudainement me mettre à défendre l’album en expliquant qu’il est mécompris et qu’en fait c’est un chef-d’œuvre. Quitte à gâcher un peu la possible surprise que serait le prochain article, il me parait nécessaire de clarifier quelques points (et après je vais commencer à raconter n’importe quoi rassurez-vous) :

 

  •           A mes yeux cela reste le moins bon album du groupe (les détracteurs imperturbables de Pablo Honey allez vous faire voir) mais c’est quand même Radiohead et leur pire album n’est pas non plus une bouse [De toutes façons le groupe est l’incarnation même de « c’est pas de la merde c’est que j’aime pas »]
  •           Pour le coup, c’est à mes yeux beaucoup plus l’album « Melody is dead / rythm is king » de Radiohead. Bien plus que Kid A (pour lequel c’était censé être un des « slogans ») – Parce que j’ai beau l’avoir écoute je sais pas combien de fois au final pour écrire cet article…je serais bien en peine de vous en « chanter » une (et c’est pas QUE parce que je sais pas chanter)
  •           Mon grand problème avec est que j’ai l’impression d’entendre un long titre de 40 minutes (ce qui pour le coup est un contrepied immédiat avec même ma première impression du précédent ou j’avais l’impression d’entendre la même chanson en boucle. La, même les intro / outros sont indiscernables : les morceaux commencent et s’achèvent in media res)
  •           A l’époque, l’album aurait pas été signé Radiohead mais aurait enflammé la toile, je ne lui aurais pas offert plus d’une écoute avant d’aller le coller au rang des trucs qui plaisent à mes potes snobs mais qui sont pas pour moi (et me demandez pas pourquoi mais le nom qui me vient à l’esprit pour décrire ce genre de situation c’est « Zola Jesus » - d’aucuns diront WU LYF)
  •           Un peu à l’image de certains titres de la période Kid A / Amnesiac, il est des titres de l’album dont je ne suis pas fan qui, franchement, passent beaucoup mieux en live. Je me suis « forcé » à mater des lives de la tournée suivante (comme le Coachella 2012) et franchement… C’est bien plus agréable. En même temps même The Gloaming, en live ça passe.
  •           Le truc qui me déprime le plus vis-à-vis de cet album c’est que 2 mois plus tard Radiohead sort deux titres qui clairement ont été composés au même moment mais juste pas retenus sur l’album (en l’occurrence The Daily Mail / Staircase) et… les deux titres mettent minable l’ensemble de l’album ! Et ça, ça me rend dingue. Alors oui, ils feraient tache au milieu de l’album qu’on a eu, mais bordel, j’aurais préféré un album dans lequel ils auraient, justement, une place

Et l’auditeur de se trouver dans une position un peu inconfortable et mystérieuse. Nous on a suivi le virage Kid A. Pire, même, on aime cet album. Ca a pas été facile, enfin, surtout, ça a pas été immédiat, mais on l’a fait, on a pu regarder de haut ceux qui ont été répugnés, qui ont décidé d’en rester à OK Computer et encore, on est l’ELITE putain. Mais du coup, là, cet album, qui malgré les écoutes, ne parvient toujours pas à me convaincre…  Est -ce que je dis que c’est de la merde ou est-ce que je m’acharne. Suis-je un « OK Compuriste » ? Cet album, je suis triste de le dire, fur pour moi la demande de trop. Déjà que j’avais pas forcément aimé trop l’album solo de Thom Yorke (pas évoqué ici mais qui avait été publié avant In Rainbows et est clairement le disque le plus proche qui soit de ce King of Limbs), là… je ne comprenais juste pas comment cet album pouvait être signé Radiohead et pas juste Thom Yorke ou d’un side project – je pensais qu’Ed resterait le garde-fou jusqu’au bout. Toujours est-il que cet album (dont même la pochette n’est pas à sauver, un comble), signera l’acte de séparation officieux entre moi et le groupe. Au point que c’est lors de cette rétrospective que je vais découvrir l’album suivant (à quelques titres près).

 
The Blair Witch Project 5

Après, la réécoute que j’en fais aujourd’hui me fait relever un point qui place ce disque très à part dans la discographie du groupe : je préfère amplement la face B à la face A  (je coupe au milieu). Codex n’est pas sans rappeler Pyramid Song (pas ma préférée, mais on se satisfait des branches auxquelles on arrive à se raccrocher) croisée avec Life in a Glasshouse, mais en tous cas c’est la seule chanson qui me fait ressentir de l’émotion, comme si en 15 ans Radiohead était de passé de composteur de musique à propos d’androïdes à compositeur de musique pour androïdes. Dans sa redescente, l’album redevient vraiment plus humain, plus sensible… Mais toujours aussi répétitif. Or si l’on aime Radiohead, c’est bien souvent parce que c’est un groupe qui a réussi à nous surprendre, au sein même d’une chanson, en l’emmenant dans des directions qui prennent de court (bien sur Creep, My Iron Lung, et évidement Paranoid Android, mais même dans Reckoner il y a de cela) comme je l’évoquais la dernière fois).

 

Alors ? Incident de parcours, sabotage volontaire (ce serait pas le première fois), ou changement de parcours ? J’imagine qu’on aura notre réponse la prochaine fois, qui devrait marquer la dernière étape du parcours, et le premier pas dans l’inconnu (je mens un peu je l’ai déjà écouté au moment d’écrire ces lignes mais c’est bien de faire du suspens)

 Bon, juste pour le fun on se refait le clip de Thom  Yorke et son chapeau.

 




Plus mauvais titre: Je sais pas, j'ai une haine de Feral mais il a le mérite d'être le plus court. Je pense qu'en fait Bloom a le défaut de sa qualité: c'est une très bonne introduction à cet album.

Meilleur titre pas sorti en single : Le problèpme c'est que le meilleur titre est sorti en single et que en single... On va dire Codex.

Meilleure face B de single de la période : C'est Staircase parce que c'est le seul single de l'époque et franchement il dépote allez l'écouter!!! (guictheold94.skyblog.com lachez des com)

 

 

1 Si vous voulez vous faire du mal et aller lire un article vieux de 11 ans que j’avais écrit à l’époque, le contexte était tel que j’avais plus ressenti le besoin d’écrire sur la réception de l’album que sur l’album en lui-même.

samedi 4 juin 2022

BioRadioSpective - Episode 7

In Rainbows (Octobre 2007)


Cher ami lecteurice, me voici face à un bien épineux problème. J’ai tellement réfléchi à cet article que je ne sais pas par quel bout le prendre. Donc en introduction je vais vous compiler toutes les réflexions par lesquelles j’ai envisagé de commencer cet article :

-          Sentons-nous vieux ensemble, et réalisons qu’en parlant de ce septième album sur neuf, nous n’en sommes, techniquement, qu’à mi-chemin : il s’est écoulé en fait plus de temps entre la sortie de In Rainbows et aujourd’hui, qu’entre celle de Pablo Honey et celle de In Rainbows.

-          En 2007, Radiohead, libéré de son contrat avec Parlophone, crédible comme pas permis, escorté d’une solide fan base, et en quelque sorte dépourvu de détracteurs (Il y a des gens qui n’aiment pas Radiohead, qui ne sont pas intéressés par leur musique, ou qui trouvent qu’on en fait quand même beaucoup et qu’il faut quand même pas exagérer, mais je n’ai encore croisé personne qui déteste fondamentalement le groupe de la façon qu’on peut détester U2 ou Coldplay, et ce, malgré un engagement politique… existant)… est probablement le groupe de musique le plus « libre » depuis… les Beatles après la création d’Apple ? Et en plus ils s’entendent encore vachement bien, même si Thom a sorti un album solo (que je possède mais n'écoute jamais mais sert à donner une justification à l’intercalaire « Y » de mon étagère à CDs)

-          On arrive, avec In Rainbows, à la fin d’une évolution de format : on avait commencé avec des CDs copiés sur cassette, puis gravés et offerts comme cadeau, puis des CDs gravés en échange de quelques… Francs (putain je suis vieux) puis carrément gravé gratos parce que bon les piles de CD Vierges BASF sont devenues monnaies courantes, puis achetés le jour de la sortie parce que je suis presque un adulte (ha ha), et In Rainbows… In Rainbows… 

(Transition flashback de sitcom avec les mots qui se répetent en échos et l’écran qui commence à faire des vagues verticales)

2007. Je suis stagiaire à Lyon (enfin, Villeurbanne). Mon stage est assez insupportable. Mais heureusement j’ai de bons camarades d’école qui, eux aussi, sont stagiaires dans le coin, et c’est sans compter sur les amis d’école déjà diplômés qui ont investi la ville. La dernière fois que Radiohead avait sorti un album, j’avais commencé mes études supérieures depuis un an. Maintenant qu’ils en sortent un nouveau, je suis à un an de les achever. Un gouffre, que dis-je, un monde s’étend entre les deux (surtout que j'ai redoublé). Et aussi : c’est le premier album de Radiohead que j’ai du attendre. Et pas qu’un peu. De plus tous mes amours des années lycée / prepa ont déjà ressorti un album (au moins) et du coup je me suis éloignés de la majorité d’entre eux, il ne me reste que Radiohead pour me rattacher à mes vertes années.

 

Entre autres choses, à la faveur de l’ennui du monde et du développement du Web 2.0, j’ai ouvert un blog. Pour situer dans la timeline, pensez que j’ai découvert l’existence de Youtube il y a 3 mois. Qu’on est à une époque où l’interface de Dailymotion est meilleure que celle de Youtube. Et donc, à la sortie de In Rainbows, ce blog avait deux ans ! l’iPod remplaçait le discman, et déjà le Rock-Critic perçait sous le fan.  Et c’est dans l’appartement de la copine d’un pote qui héberge un autre pote (c'est difficille à rédiger sans citer les noms des gens dites donc) pour la durée de son stage que je lance le téléchargement du fameux album gratuit (et quelques autres trucs en même temps, tant qu’on y est- en particulier du Nick Cave, que je suis en train de découvrir en parallèle – le vendeur du Gibert Joseph de Lyon m’a conseillé de commencer par Murder Ballads, qui en plus était en promo, mais je veux creuser plus avant). Puis je le charge sur mon iPod (on m’en a offert un pour mon anniversaire l’an dernier). Une fois rentré, je vais faire un truc pour peut-être la première fois, et possiblement la dernière parce que soyons sérieux c’est un comportement de peigne-cul : écouter l’album, entier, d’une traite, au casque, seul dans le salon. Je sais même pas si je buvais quelque chose en même temps. A partir du lendemain, je vais me ruer sur les chronique qu’en font les potes (et je me rappelle clairement que Systool fut le premier à dégainer (vous vous rappelez de Systool les lecteurs d’époque ?))

 

Et… ben j’avais pas vraiment été convaincu. J’avais adoré les deux titres d’ouverture, et le « Videotape » de fermeture qui m’avait laissé frissonant. Trois sur dix c’est pas foufou. Quelques mois plus tard et après que Thomas ait attiré mon attention dessus, je redécouvrirais et adorerais « Jigsaw Falling into place », mais pendant longtemps j’en resterai là : quatre très bons titres avec un ventre mou au milieu, telle restera mon idée de cet album. Et cette déception radioheadienne colorera peut-être mon accueil de l’album suivant, quelques années plus tard… On y reviendra.

Mais mon lien à ces quelques titres adorés reste fort et inscrit durablement dans ma mémoire : à l’écoute de « Bodysnatchers », ce sont les quais de Saxe Gambetta qui apparaissent devant mes yeux.

… Et quelques 15 ans plus tard, c’est en fait la réécoute de cet album, volontaire, consciente (il a bien dû tourner une paire de fois dans le fond dans ma vie depuis 2007 hein), après l’avoir vu classé numéro des albums préférés de tous les temps d’un de mes youtubers analystes de musique favoris, devant … bien des albums que j’adore qui m’a amené à rédiger cette série d’article. Pas rien donc. Mais qu’avais-je loupé à l’époque qui m’accroche aujourd’hui ?




« Le changement dans la continuité » est une expression d’autant plus galvaudée qu’elle ne veut pas dire grand-chose. Pourtant c’est exactement de cela qu’il s’agit avec In Rainbows. Là où l’album précédent se proposait de réaliser une synthèse entre les phases « électro » et « rock » de Radiohead en changeant de style à chaque titre de l’album, ici on assiste, à proprement parler, à une synthèse. Outre les titres d’ouverture et de fermeture évoqués précédemment, le gros d’In Rainbows, soit donc ces titres que je négligeais, sont des titres que je ne parviens à désigner que comme « d’électro organique ». Comprendre donc des morceaux d’électo… mais joué avec des instruments « conventionnels »1. Monotones, répétitifs, tels des boucles d’instru jouées… en boucle donc, avec la voix de Yorke à la limite de l’articulé (certains accusent Yorke de faire des vocalises, de mon angle il utilise juste sa voix comme un instrument complémentaire à ceux de ses collègues). Et c’est aussi peut-être ce qui explique ce sentiment d’ennui : peu de chose changent, les titres centraux n’ont pas toujours de structure reconnaissable outre cette boucle centrale…Pourtant.. pourtant à la réécoute, ce qui me frappe c’est la capacité du groupe à briser cette monotonie qu’ils créent eux-mêmes. Dès qu’on commence à ronronner dans un titre s’offre a minima quelque chose de nouveau, au mieux, une cassure totale, une refonte du morceau à mi-chemin. Ce qui fait de cet album, pour qui aime chercher de la symbolique n’importe où, une sorte de condensé de la carrière même de Radiohead : ce faux sentiment de confort, de familiarité, avant qu’on nous tire le tapis sous les pieds. Et bien entendu la façon compte. Ce n’est pas pour rien que certains titre de l’album sont devenus depuis 15 ans des piliers des setlist de concert : si j’allais voir Radiohead sur scène aujourd’hui, je voudrais un « Reckoner » ou un « Weird Fishes / arpeggi » (j’en prends volontairement des joués régulièrement, ne déconnons pas) autant que je voudrais, je sais pas moi, un « Pyramid Song » (plus, même, en fait) ou un « Paranoid Android » (mais jouez Paranoid Android quand même hein).

 

En ce sens, « 15 Step » en ouverture est caractéristique de ces bizarreries : le rythme est saccadé, improbable, la guitare joue des phrases qui vont à l’encontre de tout ce qu’on a pu (de ce que j’avais pu) entendre(à l’époque je pensais que c’était des bandes passés à l’envers, même). Pourtant… tout est « fait main ». Cela apparait logique avec le recul : pour pouvoir les jouer sur scène, les morceaux de Kid A / Amnesiac avaient du être adaptés à une version plus organique, mais sans pour autant perdre de ce qui faisait leurs caractéristiques, en termes d’ambiance, de rythmique, …  Et ces morceaux electro-organiques, il y en avait déjà quelques uns sur HTTT (Backdrifts, Where I end and you begin).. Et là il n’y a que ça. Ce n'était pas mes préférés sur l’album précédent, mais j’étais loin de les détester (c’était plus les ballades « classiques » qui m’ennuyaient). C’est peut-être cela aussi qui me laissait indifférent à l’époque. 

Mais aujourd’hui… Je crois bien que c’est leur meilleur album. Plus abouti, plus contrôlé, plus cohérent que tous les autres (excepté The Bends). Moins aventureux, certes, mais à ce niveau n’ont-ils pas le droit, un peu, de juste faire des trucs bien sans qu’ils soient révolutionnaires ? (l’aventure, pour le coup, s’est faite sur le mode de distribution, je suppose. C’est donc un album méta-aventureux). N'étoins-nous pas franchement pourris gâtés pour que tant d'entre nous fassent la fine bouche fasse à une évolution prévisible, certes, mais une évolution quand même (et dans le bon sens). In Rainbows, contient certains des moments les plus extraordinaires de la discographie du groupe. Aucun morceau n’a sonné plus rêchement agressif que Bodysnatchers. Nude, Weird Fishes, ces morceaux vaporeux où l’on arrive pas à comprendre ce que raconte Yorke sont des pépites. Videotape continue de me mettre à terre autant que Jigsaw falling into place me file la pêche avec son petit crescendo et l’accélération finale à partir du title drop. Et… Le break à deux minutes de Reckoner est le plus beau moment de la carrière du groupe. [Preparez vous, fin d’année j’ai Reckoner en chanson la plus écoutée de l’année je pense].

D’une certaine façon, si l’aventure s’était arrêtée à, si Radiohead avait disparu après cet album… On aurait affaire à une discographie parfaite, avec une certaine symétrie… Un peu comme les aventures de Harry Potter arrivées à leur fin quelques mois plus tôt. Et dont le tome 8 est… discutable.2

Mais je suis content d’avoir, même si tardivement, redécouvert cet album et d’enfon pouvoir l’apprécier à sa juste valeur. Comme ils disent… True Love Waits.

 

 

Plus mauvais titre: Je sais pas si c’est le plus mauvais, mais devoir écouter House of Cards entre deux de mes titres préférés me semble toujours interminable

Meilleur titre pas sorti en single : 15 Step (j’ai été surpris quand j’ai vu la sélection des titres sortis en single en fait - ce ne sont pas forcément des évidences)

Meilleure face B de single de la période : Par face B je vais considérer le disque 2 que je n’ai découvert que récemment parce qu’il est sur Spotify et qu’en tant que stagiaire j’allais pas acheter le coffret Vinyle (j’avais même pas de platine à l’époque).  Et ce sera Down is the new up. (Même si j’adore Bangers & Mash - je veux juste pas passer pour le bas du front qui aime le morceau le plus rock)

 

 

 

1 Et c’est pas que je m’en suis rendu compte d’un coup récemment, ou que je m’en rendais aps compte à l’époque, c’est que pour une fois (et Internent et merveilleux par fois) j’ai fouillé un peu, et on trouve l’intégralité du concert « From the basement » associé à cetalbum sur Youtube. Le truc dont je me suis rendu compte récemment et qui m’a fait me sentir con c’est « Ah… In Rainbows… et c’est leur 7 eme album. Et il y a 7 couleurs dans l’arc en cial. Aaahh… c’est pour ça »

2 Il y a un autre lien entre Radiohead et Harry Potter, c’est que deux membres du groupe jouent (derrière un magistral Jarvis Cocker) dans le groupe qui anime le bal dans « la coupe de feu »